La Chinafrique et l’écocide en cours  : drames sociaux et environnementaux de l’exploitation chinoise en Afrique

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Rorik Dupuis Valder pour France-Soir
Publié le 29 avril 2025 - 15:00
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cobalt
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Moore / AFP
Sacs de Cobalt au Congo
Moore / AFP

Le 18 février dernier, l’on apprenait que le Kafue, rivière qui traverse la Zambie du nord au sud et fournit de l’eau potable et des revenus (essentiellement liés à la pêche et l’agriculture) à la grande majorité de la population, avait été contaminé par un déversement de 50 millions de litres de rejets hautement toxiques — contenant de l’acide concentré, des solides dissous et des métaux lourds. Provenant d’une mine de cuivre exploitée par la société chinoise Sino-Metals Leach, cette fuite massive est un désastre écologique qui atteint tout le pays (1). 

Habitants privés d’eau et de poissons, sols contaminés, récoltes ravagées, faune et flore affectées…, il faudra beaucoup de temps, d’argent et de matériel pour nettoyer le bassin du Kafue, où vit 60 % de la population zambienne, largement dépendante de ses eaux.

Loin de faire exception, ce drame environnemental, social et humain, est significatif de la politique abusive de l’exploitation chinoise en Afrique subsaharienne. Si des associations et des voix de la société civile dénoncent depuis plusieurs années les dérives de la « Chinafrique », elles ne font pas le poids devant la machine à corruption enclenchée par ces contrats colossaux, passés entre des États africains surendettés et des consortiums d’entreprises chinoises à la gestion opaque.

Le 5 mars 2025, l’organisation Human Rights Watch (HRW) publiait un rapport (2) alarmant sur l’intoxication au plomb à laquelle sont exposés les enfants de Kabwe, au centre de la Zambie, du fait de l’extraction minière opérée par des entreprises chinoises et sud-africaines peu regardantes sur les risques sanitaires et les normes de sécurité. On estime que plus de 200 000 personnes souffrent de la pollution au plomb dans la région de Kabwe (toux chroniques, migraines, infertilité et importantes lésions cérébrales chez les plus jeunes). 

Très présent en Afrique centrale, au plus près des métaux servant à sa production titanesque d’appareils électroniques, l’empire du Milieu tente de s’y faire discret, se présentant comme un partenaire équitable auprès des populations et des gouvernements locaux, qui bien souvent finissent par être victimes de ses pratiques illégales, y compris vis-à-vis de la main-d’œuvre. Si les litiges financiers et les affaires de fraude fiscale peuvent être traités à l’amiable, les dommages humains et environnementaux perdurent… 

En février 2023, un rapport de l’Inspection générale des finances de la République démocratique du Congo (RDC) dénonçait une « colonisation économique inacceptable » de la part de la Chine, cette dernière se voyant accusée de ne pas respecter le méga-contrat « ressources naturelles contre infrastructures » (3) signé en septembre 2007 entre les deux pays.

En contrepartie d’un accès privilégié aux richesses minières de la RDC, notamment à son cuivre et son cobalt — servant à la fabrication de batteries de voitures électriques, de téléphones et d’ordinateurs —, la Chine s’était engagée, par ce « contrat du siècle » officiellement « gagnant-gagnant », à financer la construction de routes, d’hôpitaux et de voies ferrées dans le pays ; les investissements chinois ne profitant pas suffisamment aux populations locales, qui souffrent toujours plus de l’inégale répartition des richesses, symptomatique du capitalisme sauvage.

Au début de l’année 2017, la Guinée d’Alpha Condé ouvrait ses mines de bauxite — principal minerai de l’aluminium — à la Chine, s’exposant à une pollution massive, à la corruption généralisée et la détérioration des conditions de vie de ses habitants (notamment du fait de la réduction de l’accès à l’eau potable et des poussières en suspension dans l’air), comme le détaille un rapport de HRW datant de 2018 (4).

Au Cameroun, d’importantes quantités de mercure et de cyanure sont déversées quotidiennement dans les cours d’eau irriguant les régions de l’Est et de l’Adamaoua, où s’affairent des sociétés chinoises d’exploitation de mines d’or (Wang Zu Ping, Mencheng Mining et Zinquo Mining). Dénoncées par plusieurs organisations, dont l’ONG Forêts et Développement Rural (FODER) et le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), ces pratiques entraînent non seulement la contamination des habitants, des sols et des bêtes, mais aussi la désertification des écoles (5).

En décembre 2012, le Gabon décidait de retirer ses droits d’exploitation pétrolière sur le gisement d’Obangue à la compagnie Addax, filiale du groupe chinois Sinopec, officiellement sanctionnée pour manquement à différentes « obligations contractuelles », principalement fiscales et environnementales (6). Après un bras de fer économique et judiciaire, Addax avait dû verser 400 millions de dollars de dédommagement à l’État gabonais, avant de conclure, en 2014, un nouveau contrat d’exploitation et de partage de production — lequel est arrivé à échéance en mars 2024.

Alors que les nouvelles centrales à charbon en Afrique (entre autres en Afrique du Sud, au Kenya et au Zimbabwe) sont en grande partie financées par la Chine, que celle-ci y multiplie les projets de barrage (au Soudan, au Ghana et en RDC notamment), provoquant le déplacement de villages et de communautés ainsi que des déséquilibres majeurs dans les écosystèmes, alors que ses entreprises (Wanpeng, Hua Jia, Dejia Group… (7)) participent impunément à la déforestation (8) du continent (au Gabon, en Mozambique, en RDC, au Cameroun, à Madagascar et en Gambie) en surexploitant des essences exotiques menacées — bois de rose, mopane, ébène, panga-panga, wengé… —, il est urgent de réglementer ces pratiques très peu visibles de chez nous mais dévastatrices pour les terres africaines et leurs habitants. 

 

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(1) https://fr.africanews.com/2025/03/15/zambie-la-riviere-kafue-detruite-apres-un-deversement-dacide

(2) https://www.hrw.org/report/2025/03/05/poisonous-profit/lead-waste-mining-and-childrens-right-healthy-environment-kabwe

(3) https://information.tv5monde.com/afrique/le-contrat-du-siecle-entre-la-rdc-et-la-chine-finalement-amende-2707420

(4) https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/guinea1018fr_web.pdf

(5) https://fr.mongabay.com/2022/08/cameroun-des-societes-chinoises-indexees-pour-usage-du-mercure

(6) https://www.jeuneafrique.com/13321/economie-entreprises/fin-du-bras-de-fer-entre-le-gabon-et-addax

(7) https://agritrop.cirad.fr/602428/1/Les%20entreprises%20foresti%C3%A8res%20chinoises%20en%20Afrique%20centrale.pdf

(8) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/03/28/la-chine-fait-main-basse-sur-les-forets-africaines_4891052_3212.html

 

 

 

 

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