Berlin contre les convoitises chinoises pour une compagnie stratégique

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Par Antoine LAMBROSCHINI - Berlin (AFP)
Publié le 27 juillet 2018 - 16:04
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Le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, le 17 juillet 2018 à Berlin
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© Tobias SCHWARZ / AFP/Archives
Le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, le 17 juillet 2018 à Berlin
© Tobias SCHWARZ / AFP/Archives

Le gouvernement allemand a annoncé vendredi l'acquisition de 20% du gestionnaire de réseau d'électricité 50Hertz afin de protéger l'entreprise, jugée stratégique, d'investisseurs chinois, une intervention qui témoigne de l'inquiétude croissante en Allemagne face aux appétits de Pékin.

"Le gouvernement allemand a, pour des motifs de politique sécuritaire, un grand intérêt à protéger les infrastructures énergétiques", a indiqué le ministère de l'Economie, "c'est pourquoi, il a été décidé que la (banque publique) KFW rachetait, sur ordre du gouvernement, les 20% mis en vente de l'opérateur de réseau 50Hertz", une entreprise responsable de l'approvisionnement en électricité de 18 millions de personnes dans l'est et le nord de l'Allemagne.

Les autorités étaient à la manœuvre depuis des mois pour empêcher l'acquisition de cette part par le conglomérat d'Etat chinois SGCC auprès du fonds australien IFM.

La transaction s'élève à "près d'un milliard d'euros", a indiqué à l'AFP une source proche du dossier, qui a ajouté que l'accord financier sera finalisé "d'ici un mois".

Le dossier avait été confié au ministre de l'Economie, Peter Altmaier, un proche de la chancelière Angela Merkel.

Car Berlin se méfie des appétits de Pékin pour des entreprises allemandes et s'est doté il y a un an d'un décret censé les protéger des ambitions des investisseurs étrangers si ceux-ci veulent acquérir plus de 25% d'une entreprise liée aux activités stratégiques du pays (infrastructures, informatique, énergie).

Mais comme la part convoitée dans 50Hertz était inférieure à ce seuil, le gouvernement a décidé de racheter les 20% mis en vente faute de pouvoir bloquer l'opération.

- "Plus besoin d'espionner" -

Selon le magazine économique WirtschaftsWoche, Berlin s'apprête aussi à faire usage sous peu et pour la première fois de son décret pour interdire à des investisseurs chinois de prendre le contrôle d'une entreprise allemande, le fabricant de machines-outils Leifeld Metal Spinning.

Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a réagi vendredi, indiquant que Pékin "suivait de très près cette affaire" et dit espérer que "l'Allemagne se montrera objective" et créera "un environnement institutionnel stable pour les compagnies chinoises désireuses d'investir en Allemagne".

Leifeld Metal Spinning est spécialisée dans les matériaux de haute résistance utilisés dans l'industrie aérospatiale ou nucléaire.

Ces interventions de l'Etat allemand illustrent l'inquiétude de Berlin, bien que les autorités chinoises n'ont eu cesse de vouloir se montrer rassurantes.

"Nos investissements ne menacent pas votre sécurité nationale, dans beaucoup de projets communs nous voulons apprendre de vos expériences, vos technologies", a assuré ainsi le Premier ministre chinois, Li Keqiang, lors d'une conférence de presse à Berlin avec Mme Merkel début juillet.

Le patron du renseignement intérieur allemand, Hans-Georg Maassen, avait au printemps mis en garde contre les prises de participations chinoises en Allemagne: "on n'a plus besoin d'espionner quand on peut acheter des entreprises entières", avait-il dit, selon la presse.

- "Modeler le monde" -

La croissance des prises de participations chinoises en Allemagne est impressionnante. En 2017, elles représentaient 12 milliards d'euros pour 36 transactions, contre 11 milliards l'année précédente et surtout contre seulement 663 millions en 2015, selon l'Institut de l'économie allemande, un centre de recherche et d'analyse.

Berlin ne bloque pas pour autant systématiquement les ambitions chinoises. Ainsi, début juillet, 22 projets ont été officiellement signés en présence Li Keqiang et d'Angela Merkel.

Les inquiétudes ne se limitent pas à l'Allemagne. L'UE est ainsi inquiète des avancées chinoises en Europe de l'est, notamment via son projet de "Nouvelles routes de la soie", un colossal plan d'investissements dans les infrastructures, routes et autoroutes en Asie et en Europe.

Pékin a d'ailleurs mis en place à cette fin le format dit 16+1 qui réunit avec la Chine les pays Baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), ceux de l’ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie, Slovénie) en passant par le groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), et d’autres pays balkaniques (Albanie, Bulgarie et Roumanie).

En février, la chancelière Merkel s'en était publiquement inquiétée, tout comme son ministre des Affaires étrangères d'alors, Sigmar Gabriel, qui avait qualifié "la nouvelle route de la soie" de "système complet pour tenter de modeler le monde dans l'intérêt de la Chine".

Li Keqiang a de son côté assuré en juillet que la "coopération 16+1 n'est en aucune façon une plateforme géopolitique" et a assuré soutenir "l'unité de l'UE".

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