Brésil : l'agrobusiness en force dans le gouvernement de Bolsonaro

Auteur:
 
Par Eugenia LOGIURATTO - Brasilia (AFP)
Publié le 12 novembre 2018 - 08:45
Image
Tereza Cristina da Costa, future ministre de l'Agriculture de Jair Bolsonaro, le 8 novembre 2018 à Brasilia
Crédits
© Sergio LIMA / AFP
Tereza Cristina da Costa, future ministre de l'Agriculture de Jair Bolsonaro, le 8 novembre 2018 à Brasilia
© Sergio LIMA / AFP

La responsable du lobby de l'agrobusiness de la Chambre des députés, Tereza Cristina da Costa, nommée ministre de l'Agriculture de Jair Bolsonaro, incarne la cause de ce secteur majeur de l'économie brésilienne face à ses ennemis: les écologistes et le mouvement des paysans sans terre.

Mme Costa, une agronome de 63 ans, a apporté son soutien pendant la campagne au candidat d'extrême droite, avec tout son puissant lobby parlementaire, tournant le dos à des partis traditionnels décrédibilisés.

Le virage ne fut pas très difficile, Jair Bolsonaro ayant intégré dans son programme les revendications de l'agrobusiness, qui représente, selon les données officielles 23,5% du PIB et 44% des exportations de la première économie d'Amérique latine.

"Historiquement, le lobby ruraliste a toujours été très actif, très efficace et a su faire avancer son ordre du jour" au Congrès, déclare André César, analyste des consultants Hold, à Brasilia.

Et tout indique que cela va continuer. Jair Bolsonaro a déjà laissé entendre qu'il chercherait l'appui des puissants groupes de lobby transpartis -- ruralistes, évangéliques ou pro-armes -- pour mettre en oeuvre ses politiques.

Avec les législatives d'octobre, qui ont entraîné la plus grande transformation du Congrès en trois décennies sous l'effet de la vague bolsonariste, les ruralistes n'ont pu faire réélire que 99 de leurs 218 députés (sur un total de 513).

Mais les rescapés du scrutin espèrent pouvoir recruter pour renforcer leur groupe de pression.

"Nous allons avoir un ministère bien plus fort grâce aux convictions" de Jair Bolsonaro, ainsi qu'à "sa reconnaissance pour le soutien que lui ont apporté les ruralistes", a dit au site UOL le député Jerónimo Goergen, du lobby de l'agrobusiness.

- "Muse du poison" -

Mme Costa, originaire du riche Etat agraire du Mato Grosso do Sul, a rencontré jeudi Bolsonaro et s'est montrée ouverte, dans des déclarations à la presse, sur les dossiers les plus polémiques qu'elle aura à traiter après sa prise de fonctions au 1er janvier. Mais sans céder de terrain sur les questions de fond.

Elle a défendu en particulier le travail de la commission législative qui sous sa direction a approuvé une libéralisation de l'usage des pesticides, qui ont permis au Brésil de devenir une grande puissance agricole mondiale.

La bataille pour cette loi, qui n'a pas encore été votée par la Chambre des députés, a valu à cette femme de petite taille aux cheveux courts le surnom de "Muse du poison".

"Contrairement à ce que beaucoup disent, la commission spéciale a apporté une modernisation et a donné au producteur brésilien la possibilité d'utiliser les mêmes molécules qu'à l'étranger, avec souplesse et transparence", a-t-elle dit.

La priorité désormais va être accordée à un autre projet de loi qui assouplit les procédures de licences d'impact environnemental. Ainsi la construction de routes, d'infrastructures pour l'énergie et l'assainissement à l'intérieur même des immenses propriétés agricoles du Brésil sera "nettement accélérée", a averti Mme Costa.

La future ministre a réaffirmé également la semaine dernière son opposition à la démarcation de nouvelles terres indiennes -- réclamées par ces communautés -- et à l'occupation de terres par les mouvements paysans, associés à la gauche brésilienne et auxquelles Bolsonaro a promis de mettre un coup d'arrêt au nom du "progrès".

Seule divergence avec le futur chef de l'Etat, Mme Costa a exprimé des "doutes" sur sa proposition de considérer comme "terroristes" les membres du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) qui mènent ces occupations.

- Rôle modérateur

Les ruralistes ont déjà eu un rôle de modérateur par rapport à certaines des propositions les plus polémiques de Jair Bolsonaro.

Il a dû par exemple abandonner son projet de fusionner les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, et pas seulement en raison du tollé suscité parmi les défenseurs de ce dernier.

L'agronégoce a exprimé ses craintes de représailles commerciales sur des grandes productions du Brésil de la part de ses partenaires, telle la viande ou le soja qui ont un fort impact sur l'environnement.

Mais Mme Costa a confirmé que le nouveau ministre de l'Environnement ne serait pas "un radical".

"Il en finira avec l'industrie des amendes" et sera "dénué de partialité idéologique", a-t-elle affirmé.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.