La crise chez Air France-KLM lève le tabou de la présence de l'Etat à son capital

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Par Djallal MALTI - Paris (AFP)
Publié le 16 mai 2018 - 14:37
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Au lendemain de la mise en place d'une gouvernance intérimaire chez Air France-KLM, le rôle de l'Etat actionnaire et la pérennité de son engagement dans la compagnie aérienne en crise ne sont plus tabous.

Jean-Marc Janaillac a reconnu, juste avant de quitter la tête de l'entreprise, avoir "changé d'avis" sur le sujet. "J'ai pu constater que certains au sein d'Air France sont encore persuadés que c'est l'Etat qui décide", a-t-il déclaré.

"J'en suis aussi venu à penser que le fait que l'Etat soit au capital renforce un sentiment d'invulnérabilité de la compagnie", a ajouté l'ex-PDG.

La crise à Air France a de fait mis en évidence le possible effet contre-productif de l'Etat actionnaire: l'idée que ce dernier viendrait à la rescousse quoi qu'il arrive du porte-drapeau de l'aviation tricolore depuis 85 ans.

Depuis la démission de M. Janaillac, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer la sortie de l'Etat de la compagnie franco-néerlandaise, à laquelle les grèves de ces dernières semaines ont coûté au moins 300 millions d'euros.

Le capital d'Air France a été ouvert en février 1999 et le rapprochement entre Air France et KLM remonte à 2004. L'Etat détient aujourd'hui 14% du capital.

Figure de l'aérien en France, Marc Rochet, dirigeant des compagnies Air Caraïbes et French Bee, prône "le désengagement de l'Etat car c'est la meilleure façon de mettre chacun face à quelque chose qui ne soit pas une sorte de protection ou d'immunité supérieure et de s'engager dans l'avenir".

"Il faut que l'Etat se retire du dossier le plus rapidement possible", abonde un haut dirigeant du secteur en France. "L'Etat doit vendre ses participations le plus rapidement possible. Tant que l'Etat restera actionnaire d'Air France, il y aura ce qu'on vient de vivre et ce qu'on va vivre dans les mois à venir", a-t-il ajouté.

- Réduire les charges -

Cette option n'est pas pour l'heure retenue par le gouvernement. La ministre des Transports Elisabeth Borne a indiqué lundi qu'un désengagement n'était "pas d'actualité".

Pour autant, cette possibilité n'est pas exclue à terme. L'histoire montre que des entreprises aériennes emblématiques d'un pays ne sont pas à l'abri d'une disparition: Pan Am, TWA, Swissair, Sabena, Olympic...

"Pour le moment, il n'y a pas de projet de désengagement de l'Etat", a confirmé mardi un représentant de l'Elysée. Mais, a-t-il ajouté devant l'Association des journalistes économiques et financiers, cela "ne veut pas dire que la participation de l'Etat au niveau actuel est éternelle."

"Il est important de réaliser que (Air France) n'est ni un monopole, ni une entreprise publique", a-t-il poursuivi. "C'est important que ce contexte soit pleinement intégré par le corps social si jamais il y avait une ambiguïté", a-t-il insisté.

Lors de l'assemblée générale mardi, M. Janaillac a insisté sur une autre piste pour l'Etat afin de venir en aide à la compagnie tricolore: réduire le poids de la fiscalité et des charges sociales qui la handicapent par rapport à ses concurrents européens, qu'il a régulièrement réclamé depuis son arrivée aux commandes en 2016.

En mars, Mme Borne a annoncé la réduction d'une majoration prévue de la taxe d'aéroport versée par les compagnies à l'Etat, soit "50 millions de taxes en moins" sur l'année.

"Les racines du mal dont souffre Air France sont sans doute anciennes", a expliqué M. Janaillac. "Elles tiennent en partie à l'histoire de la compagnie" et notamment "à une culture héritée d'un fonctionnement interne vertical et administratif, qui devra évoluer, et au sentiment des salariés d'Air France d'avoir vécu une succession de plans d'attrition alors qu'une partie du problème vient de l'environnement français".

Mais à la CFDT Air France, Béatrice Lestic ne croit "pas que l'Etat soit aussi intrusif que d'aucuns le prétendent", c'est "de l'ordre du fantasme". Mais c'est "bien commode d'en faire un bouc-émissaire", dit-elle en référence au SNPL, le puissant syndicat des pilotes, selon lequel l'Etat préfère prélever les taxes aéroportuaires plutôt que de soutenir Air France.

"La seule vertu d'une sortie de l'Etat du capital d'Air France-KLM, c'est qu'on sortirait de ce faux-nez" pour enfin "regarder les choses en face", affronter les "vrais problèmes", a-t-elle estimé.

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