La France planche avec inquiétude sur la future politique agricole européenne

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 30 mai 2018 - 13:41
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Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert (g) au côté du commissaire européen pour l'Agriculture et le Développement Rural Phil Hogan avant une conférence de presse sur la PAC (politique agricole
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© FRANCOIS GUILLOT / AFP/Archives
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert (g) au côté du commissaire européen pour l'Agriculture et le Développement Rural Phil Hogan avant une conférence de presse sur la PAC
© FRANCOIS GUILLOT / AFP/Archives

La France planche avec inquiétude sur la future politique agricole en préparation à Bruxelles pour l'après 2020, certains réclamant une "réforme en profondeur" de la PAC par crainte d'un déclin massif du secteur paysan et agroalimentaire.

Le 2 mai, le sol s'est effondré sous les pieds du gouvernement et des responsables du secteur agricole français, principal bénéficiaire depuis 1957 des mannes européennes de la politique agricole commune qui ont permis l'essor productif du pays depuis l'après-guerre.

Pour faire face au Brexit et aux nouvelles préoccupations migratoires et sécuritaires de l'UE, la Commission a annoncé ce jour-là ses prévisions budgétaires 2021-2027 prévoyant une réduction de 5% du budget de la PAC. Une proposition jugée "inacceptable" par le gouvernement français qui attend avec inquiétude le 1er juin, date à laquelle la Commission doit détailler le volet agricole.

Sur le premier "pilier", les aides directes à l'hectare reçues par les agriculteurs, le recul des crédits serait en réalité de 14,7%, prédit le sénateur LR de la Manche Jean Bizet, qui a interpellé le gouvernement français mardi au Sénat.

Sur le deuxième "pilier", celui du développement rural (aide aux installations de jeunes agriculteurs, aux zones défavorisées, au bio, etc.), le recul des budgets alloués sera de 27,3%, selon lui.

"La France n'acceptera pas cette baisse drastique (...) car elle pourrait porter des conséquences très importantes sur la viabilité de nombreuses exploitations", a résumé mardi le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne devant le Sénat. Un tiers des agriculteurs français vivent déjà avec des revenus mensuels de moins de 350 euros, subventions européennes comprises.

Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, tente de constituer une alliance avec d'autres pays européens sur le sujet. La première réunion a lieu jeudi à Madrid.

En France, le sujet n'a été qu'effleuré durant les dix jours de débat à l'Assemblée nationale sur une loi concernant l'agriculture et l'alimentation, pourtant destinée à redonner du revenu aux agriculteurs et à permettre d'augmenter la qualité de leurs productions.

C'est à peine si les députés ont pu obtenir la promesse d'un rapport avant le 30 septembre récapitulant, département par département, les aides du premier pilier versées en 2017.

- Aides "contra-cycliques" -

"Compétitivité en berne", "montée en gamme trop lente", "bilan écologique préoccupant", "transition poussive vers le bio": critique quant aux conséquences de la PAC sur l'agriculture française, l'économiste Jean-Pisani-Ferry, ancien directeur du centre de recherche pro-européen Bruegel et conseiller d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, est favorable à une dose de "renationalisation" des subventions, proposée par la Commission européenne pour gérer la pénurie.

Cela pourrait "utilement contribuer à la nécessaire redéfinition de notre modèle agricole", a-t-il écrit dans une tribune dans le Monde daté du 25 mai, où il juge mal employés les quelque 10 milliards d'euros touchés annuellement par la France.

Agriculture Stratégies (ex-Momagri) propose pour sa part une approche radicalement différente de celle de la Commission, disant tirer les conclusions de "l'effondrement" des positions "ultra-libérales" de l'Organisation mondiale du Commerce.

Ce centre de recherche travaille avec le syndicat des Jeunes agriculteurs, proche de la FNSEA, le vice-président LREM du conseil régional de Bretagne Olivier Allain, un proche d'Emmanuel Macron (il a contribué à l'écriture de sa stratégie agricole durant sa campagne présidentielle), ou encore le député européen féru de sujets agricoles Eric Andrieu (groupe socialiste et démocrate).

"Les agriculteurs ne peuvent pas survivre lorsqu'ils sont exposés directement à la volatilité des marchés, or la plupart des grands pays agricoles, Brésil, USA, Chine, Inde, ont tous des politiques de soutien à la production agricole, c'est-à-dire des prix minimum garantis à leurs agriculteurs: l'UE est le seul bloc qui continue de croire à la fiction des aides à l'hectare découplées de la production, véhiculée par l'OMC", explique à l'AFP Jacques Carles, président d'Agriculture Stratégies et ancien haut fonctionnaire européen.

Selon lui, la future PAC doit "donner aux producteurs les moyens de résister à la volatilité des marchés en rendant les aides +contra-cycliques+", c'est-à-dire en les transformant en assurance contre les aléas de marché, qui seraient versées par Bruxelles lorsque les prix passent sous un certain seuil.

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