Au procès Balkany, le maire, son fauteuil et les fortunes familiales

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 11 décembre 2019 - 18:52
Mis à jour le 12 décembre 2019 - 16:13
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Isabelle Balkany, le 11 décembre 2019
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Isabelle Balkany, le 11 décembre 2019
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le maire veut un fauteuil, son épouse une peine "proportionnée". Au premier jour de leur procès en appel pour fraude fiscale, Patrick et Isabelle Balkany ont invoqué mercredi des fortunes familiales pour justifier un train de vie très supérieur à leurs revenus.

Très amaigri, le maire LR de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), 71 ans, comparaît détenu, après le rejet de sa dernière demande de mise en liberté. Son épouse et première adjointe, 72 ans, est venue l'embrasser avant de s'assoir sur le banc des prévenus.

A la barre, ils ont affirmé reconnaître des "fautes", mais jamais véritablement une fraude fiscale, noyant la cour dans une avalanche de détails sur les déchirures familiales du côté d'Isabelle Smadja - épouse Balkany - ou sur l'héritage d'un père déporté et doué en affaires du côté de Patrick Balkany.

Au bout d'une heure de débats, alors que la défense tente - en vain - d'obtenir le renvoi du procès, Isabelle Balkany se lève pour demander si elle peut donner des médicaments à son mari qui "souffre du dos". La défense réclame qu'il soit installé dans un fauteuil.

La présidente Sophie Clément, qui rechigne à sortir un détenu du box, y fera finalement installer une petite chaise. Patrick Balkany s'y est assis en grimaçant.

L'élu est incarcéré depuis sa condamnation, le 13 septembre, à quatre ans de prison pour fraude fiscale. Isabelle Balkany, absente au procès après une tentative de suicide, s'est vue infliger trois ans de prison, sans mandat de dépôt. Tous deux ont été condamnés à dix ans d'inéligibilité. Un mois plus tard, ils étaient à nouveau condamnés pour blanchiment aggravé et seront rejugés dans ce dossier en février.

 "Mon époux que j'aime"

Ils ont fait appel de toutes leurs condamnations, des recours qui suspendent l'exécution de leurs peines - sauf concernant l'incarcération de Patrick Balkany.

Jusqu'au 18 décembre, les édiles doivent à nouveau répondre de fraude fiscale. Ils sont poursuivis pour n'avoir pas payé l'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés à 16 millions d'euros annuels, mais également d'avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.

Le tribunal a estimé que le couple aurait notamment dû déclarer la luxueuse villa Pamplemousse de Saint-Martin, qu'Isabelle Balkany avait tardivement reconnu posséder, mais aussi un somptueux riad à Marrakech, que le couple nie toujours avoir acheté.

Au total, les sommes éludées sont estimées à 4 millions d'euros, un montant vigoureusement contesté par la défense.

Avant tout, la présidente veut savoir pourquoi les Balkany ont fait appel.

"J'ai reconnu une faute", dit Isabelle Balkany. "Une faute n'a jamais d'excuse mais peut avoir des raisons, je voulais les exprimer ici. Et puis je fais appel pour être totalement solidaire de mon époux, que j'aime et que j'admire".

Elle se lance alors dans une longue description des tourments familiaux: une famille riche qui se déchire à la mort du père, en décembre 1982. Elle raconte qu'elle a accepté de vendre à ses frères et soeurs ses actions de la société paternelle 4 millions de francs, parts qu'ils ont revendues en 1988, encaissant "750 millions de francs": "J'ai été spoliée", conclut-elle.

Elle recevra ensuite une "compensation" de "dix millions de francs" de la fratrie et regrette aujourd'hui d'avoir eu la "faiblesse d'accepter" que cet argent soit viré sur un compte en Suisse et donc "pas déclaré". Quant à la profusion d'argent liquide dont disposait le couple, Isabelle Balkany affirme qu'il lui venait de sa mère.

"Est-ce que oui ou non vous reconnaissez la fraude fiscale?", finit par l'interrompre la présidente. "Je ne peux pas vous répondre par oui ou non, car dans la vie les choses ne sont pas si simples", rétorque la prévenue.

Patrick Balkany ne sera pas plus clair. "Je considère avoir été jugé d'une manière extraordinaire, anormale", commence-t-il. La seule chose qu'il se reproche vraiment, c'est d'avoir "perdu" le quitus fiscal attestant du rapatriement de liquidités que son père avait placées en Suisse - le tribunal avait estimé que rien ne prouvait qu'il ait rapatrié des avoirs, pas plus qu'il n'avait de preuve d'avoir écoulé en France des "lingots d'or" légués par son père.

Le procès se poursuit lundi.

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