A Bois-d'Arcy, un travail d'enquêteur pour identifier des pépites du cinéma

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Par Sophie LAUBIE - Bois-d'Arcy (France) (AFP)
Publié le 15 octobre 2019 - 11:31
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Un film est inséré dans un projecteur pour être visionné, en 2012 dans les réserves de Bois d'Arcy
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© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
Un film est inséré dans un projecteur pour être visionné, en 2012 dans les réserves de Bois d'Arcy
© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives

C'est une ancienne batterie militaire. Derrière ses épais murs, se cache tout un pan de l'Histoire du cinéma: des centaines de milliers de bobines, conservées avec soin depuis 50 ans. Parmi elles, de nombreux films encore à identifier, un travail nécessitant parfois de vraies enquêtes.

Installé sur un site de cinq hectares, juste à côté de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy (Yvelines), cet ancien fort militaire, érigé en 1874, est devenu dans les années 60 un lieu de conservation des films. Sous l'impulsion d'André Malraux, il abrite depuis 1969 les collections de la Direction du patrimoine du Centre national de la cinématographie (CNC), chargée aussi de la restauration et de la numérisation des oeuvres.

Plus d'un million de bobines, soit près de 140.000 films du monde entier couvrant toute l'Histoire du cinéma, pour moitié fictions et moitié documentaires, y sont conservées.

Trois grands entrepôts, hauts blocs métalliques où la température doit rester à 10-12°C, abritent à Bois d'Arcy les films sur support argentique fabriqués à partir des années 50, stockés à plat sur les rayonnages d'imposantes armoires. Ils sont complétés par quatre autres entrepôts sur un autre site du CNC, au fort de Saint-Cyr (Yvelines).

Les films plus anciens, en nitrate de cellulose, premier support des débuts du cinéma, sont stockés à part, dans 233 cellules anti-incendie en béton.

Interdits à la fabrication depuis les années cinquante car très inflammables et auto-combustibles, ceux que l'on appelle "films flamme" doivent obligatoirement être gardés dans ce lieu, qui en abrite près de 230.000 boîtes, l'une des plus importantes collections au monde.

On y trouve des trésors, dont les premières productions des frères Lumière, inventeurs du cinématographe en 1895, mais aussi des centaines de films encore à identifier, datant essentiellement de la période du cinéma muet.

"On a beaucoup de films qui restent sans titre, sans réalisateur. Il y en a qui nous parviennent à l'état de fragment, sans générique, parce qu'au début de l'histoire du cinéma, les génériques n'existaient pas", explique Béatrice Pastre, directrice des collections au CNC.

- Pépites retrouvées -

"C'est tout un travail pour réussir à les identifier, grâce à un acteur par exemple, ou à un croisement entre ce que l'on voit à l'image et ce que l'on peut découvrir dans les catalogues", poursuit-elle, évoquant des "miracles qui se produisent de temps en temps".

Parmi ces "miracles", qui peuvent survenir à l'occasion d'inventaires, figure la découverte du film de Tod Browning "The Deciding Kiss" (1918) ou celle d'un film muet de John Ford réputé perdu, "A l'assaut du boulevard" ("Bucking Broadway", 1917), qui dormait dans une cellule de stockage depuis près de 30 ans.

Plus récemment, en 2017, c'est "L'Argent de Judas" (1915) du Suédois Victor Sjöström, réputé perdu, dont une copie suisse a été retrouvée dans une boîte mal inventoriée.

Outre ses imposantes collections, la Direction du patrimoine doit aussi gérer entre 2.000 et 3.000 boîtes de films déposées chaque année par des laboratoires, des particuliers ou des institutions, qu'il s'agit là encore d'identifier.

"Il y a un temps assez long, qui est celui de la recherche", même si "maintenant, avec internet, c'est un peu plus rapide", souligne Magalie Balthazard, chargée d'études documentaires, qui s'est spécialisée dans les films scientifiques ou de guerre.

"Quand c'est des films documentaires, on va se raccrocher à la mode vestimentaire ou à une voiture" par exemple, explique-t-elle, précisant que l'attention doit se porter aussi sur les "informations techniques que fournit la pellicule".

Les collections de la Direction du patrimoine viennent aussi s'enrichir chaque année de films récents: depuis une loi de 1977 instaurant le dépôt légal pour les films, elle accueille une copie de chaque film sorti en salles. Elle en demande un "retour sur pellicule", le CNC ayant "fait le choix de poursuivre la conservation sur support argentique", explique Béatrice de Pastre.

"Le numérique est un outil formidable de restauration et de valorisation, mais ce n'est pas un support de conservation", dit-elle. "On n'a aucune visibilité sur ce que sera ce support dans 20 ans ou 30 ans".

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