Confinement : le Conseil d'Etat demande de revoir la copie sur le sport, les marchés et les visites médicales

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Par Benjamin LEGENDRE - Paris (AFP)
Publié le 22 mars 2020 - 22:30
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Un joggeur, le 22 mars 2020 à Paris
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© FRANCK FIFE / AFP
Un joggeur, le 22 mars 2020 à Paris
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Le Conseil d'Etat a refusé dimanche soir d'ordonner le "confinement total" réclamé en urgence par certains médecins pour endiguer l'épidémie de coronavirus, mais a toutefois enjoint au gouvernement de revoir d'ici 48 heures certaines dérogations de déplacement "au caractère ambigu", notamment celles pour motifs de santé ou pour l'activité physique.

La plus haute juridiction administrative a jugé "trop large" l'autorisation de pratiques sportives individuelles, telles que le jogging. Elle a aussi enjoint au gouvernement de "préciser" le "degré d'urgence" des motifs de santé justifiant un déplacement et d"'évaluer les risques pour la santé publique du maintien (...) des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation".

Au vu de la gravité de la crise sanitaire, la plus haute juridiction administrative n'a mis que quelques heures pour rendre sa décision. Elle avait tenu dans la matinée une audience extraordinaire, avec trois juges au lieu d'un, pour examiner le référé-liberté déposé vendredi par le syndicat Jeunes Médecins, auquel s'étaient associés l'ordre des médecins et l'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI).

Leurs griefs visaient le décret gouvernemental du 16 mars fixant les règles du confinement. Jugé trop laxiste par les syndicats, ils dénonçaient une "atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale", en l’occurrence le "droit à la vie".

"Le Conseil d'Etat reconnaît que les mesures prises par le gouvernement n'étaient pas suffisantes", a réagi auprès de l'AFP Emmanuel Loeb, président de Jeunes Médecins, selon qui "il aurait fallu aller encore plus loin".

Pour Léonard Corit, secrétaire général de l'ISNI, "c'est une demi-victoire (...) mais c'est plutôt encourageant", "ça va pousser le gouvernement à clarifier sa position".

- "Mesure mal comprise" -

Dans la matinée, tous les points de tensions suscités par les règles du confinement ont été débattus pendant 2H30 par ces jeunes médecins et leurs avocats face à deux représentants du gouvernement.

Pour respecter les préconisations sanitaires, les participants se tenaient à distance dans la salle des contentieux du Palais Royal ou bien intervenaient, très exceptionnellement, par visioconférence, en présence d'un nombre limité de journalistes.

"La première mesure à prendre, c'est de supprimer la dérogation pour les déplacements à proximité du domicile pour une activité physique", a d'abord proposé Me Vianney Petetin, avocat de Jeunes Médecins. "C'est une mesure très mal comprise par les Français et qui n'est pas respectée", a-t-il expliqué aux juges, dont le président lui-même s'est étonné du nombre de joggeurs croisés en se rendant à l'audience.

Outre un "couvre-feu national", la fermeture des marchés et "une réduction drastique des transports", le syndicat réclamait surtout un "confinement total" et une activité économique "réduite aux secteurs essentiels".

Certes, "il est plus facile de mettre en place ce type de système dans un régime totalitaire" comme en Chine, a concédé l'avocat. Mais "avec un effort de tous, on peut tout de même y arriver", a-t-il encouragé, appelant à "faire preuve d'imagination" pour organiser un ravitaillement via les "drives" des supermarchés ou des livraisons assurées par l'Etat.

- "Santé mentale" -

"Nous sommes dans un Etat démocratique: on ne mettra jamais en oeuvre en France des mesures répressives que les autorités chinoises ont utilisées", lui a répondu le professeur William Dab, ancien directeur général de la Santé.

"Il est trop tôt pour pouvoir affirmer que les mesures du gouvernement sont insuffisantes" et justifieraient "un niveau supplémentaire de limitation des libertés", a-t-il soutenu, invoquant aussi les risques d'un confinement trop strict, notamment "sur la santé mentale" des Français.

Quant au périmètre des "activités essentielles", "personne ne sait les définir", a souligné Charles Touboul, directeur des affaires juridiques des ministères sociaux (Santé, Travail...).

"Cette question du bénéfice-risque est un faux débat (...) combien de vies pour un point de PIB ?", leur a rétorqué Me Loïc Poupot, avocat de l'ordre des médecins.

Mais sur ce point, le Conseil d'Etat a donné raison au gouvernement, reprenant l'argument de la santé mentale et estimant impossible que l'administration assure le ravitaillement à domicile.

"En outre, la poursuite de certaines activités essentielles, telles que celle des personnels de santé ou des personnes participant à la production et à la distribution de l’alimentation, implique le maintien d’autres activités dont elles sont tributaires", notamment les transports en commun, a estimé le Conseil.

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