Dans la région de Toulouse, des sous-traitants d'Airbus à la peine

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Par Alexandre PEYRILLE - Mondouzil (France) (AFP)
Publié le 07 juin 2020 - 12:43
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Didier Cauquil, patron d'une société qui fabrique des pièces détachées pour Airbus dans les allées de son usine, le 5 juin 2020 à Mondouzil (sud)
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© Lionel BONAVENTURE / AFP
Didier Cauquil, patron d'une société qui fabrique des pièces détachées pour Airbus dans les allées de son usine, le 5 juin 2020 à Mondouzil (sud)
© Lionel BONAVENTURE / AFP

Le chef d'entreprise Didier Cauquil parcourt, préoccupé, les allées de son usine où seulement six machines sur 32 fonctionnent: la crise du secteur aéronautique a mis à genoux la société, qui fabrique près de Toulouse des pièces détachées notamment pour Airbus.

"Des centaines d'entreprises sous-traitantes sont en grande difficulté, c'est très dur pour nous... Les commandes annulées, on se retrouve avec un stock de pièces sur les étagères, je n'avais jamais vu ça. Et je ne suis pas le plus mal loti", confie le PDG de Cauquil SA, fondée en 1947 par son grand-père qui fabriquait à l'époque des moteurs de moto.

Seulement 25% des 75 salariés travaillent, les autres sont au chômage partiel, car la société qui fait désormais partie du groupe français BT2I, a perdu 70% de sa charge de travail.

Le gouvernement, qui a déjà mis en place un plan de soutien à la filière automobile, doit dévoiler la semaine prochaine un plan de relance pour l'industrie aéronautique, sinistrée par l'épidémie de Covid-19.

"La baisse des cadences chez Airbus est de 35 à 40%, ça veut dire activité partielle pour beaucoup de salariés. Qui dit baisse de cadence, dit baisse de la fourniture de produits par les sous-traitants", explique le député En Marche de Haute-Garonne Mickaël Nogal, chargé par le gouvernement de consulter les acteurs de la filière.

- "Aucune visibilité" -

Mais l'entrepreneur de 54 ans n'attend pas grand-chose du plan de relance de l'exécutif.

"Moi, j'ai besoin de garanties de volume d'achats de la part de mes clients. Je n'ai aucune visibilité, on est complètement dans le flou".

Cauquil, labellisée "Industrie du futur", fabrique par exemple des trappes de réservoir de carburant pour Airbus 737 en titane, des portes d'issues de secours pour Bombardier, des crochets de porte du Boeing 737.

Pour Amine Seddik, employé depuis 2005, Cauquil "ne va pas pouvoir garder tout le monde". "Presque toutes les machines sont à l'arrêt, les commandes annulées. Si je perds mon travail, ça va être compliqué d'en retrouver, tout le secteur va débaucher, j'ai une famille, deux enfants", s'inquiète ce magasinier de 39 ans.

"On cherche des solutions pour l'éviter, mais on sait qu'on va devoir licencier. En septembre, il va y avoir une explosion de plans sociaux dans le secteur, prévoit le PDG. J'espère qu'on pourra les réembaucher, dès que l'activité reprendra".

En 2020, le patron de Cauquil tablait sur une bonne année et un chiffre d'affaires de 14 millions d'euros (contre 12,3 en 2019), mais il se situera finalement autour de 7 millions.

- "Reprise progressive" -

Il redoute surtout que les donneurs d'ordre contraignent les PME à baisser leurs prix, en dessous du seuil de rentabilité.

Le poids des sous-traitants est considérable dans l'aéronautique. Un appareil de l'avionneur européen, souligne le président de la CCI Occitanie Alain Di Crescenzo, c'est 20 % fabriqué par Airbus et 80 % par les sous-traitants.

En Occitanie, Airbus commande chaque année pour 5 milliards d'euros à ses sous-traitants.

De gros sous-traitants comme Safran, Derichebourg, Daher envisagent des centaines de suppressions de postes, selon les syndicats.

"C’est une crise violente. Et l’activité ne reprendra que progressivement", prévient Carole Delga, présidente de la région Occitanie, où 200.000 emplois dépendent de l'aéronautique, dont 80.000 directs.

La filière aéronautique, à la croissance ininterrompue, créait 3.000 emplois chaque année en région toulousaine. A l'aide publique, souligne-t-elle, "il doit y avoir une contrepartie pour aller dans cette dynamique de l’+avion vert+, avec un impact environnement plus faible".

L'Etat compte "favoriser le regroupement de PME du secteur entre elles, pour être plus fortes", indique le député Nogal, "veiller à la protection de nos entreprises contre les prédations étrangères, car des PME sont approchées par des fonds d’investissement chinois, américains. L’objectif est de conserver ces pépites et leur savoir-faire technologique".

"Je suis optimiste, dit-il, il y aura une période difficile à passer, il faudra peut-être deux ans avant que le secteur retrouve une activité d'avant-crise".

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