Ecolo, femme et bac+6, Stéphanie Mathey révolutionne le bistrot à la papa

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Par Rebecca FRASQUET - Paris (AFP)
Publié le 10 octobre 2018 - 09:00
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Stéphanie Mathey, bistrotière et patronne de "La Timbale" à Paris, le 20 juin 2018
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© ERIC PIERMONT / AFP/Archives
Stéphanie Mathey, bistrotière et patronne de "La Timbale" à Paris, le 20 juin 2018
© ERIC PIERMONT / AFP/Archives

Chasse au gaspillage, souci de développement durable, gestion numérique des plannings: à la tête de trois bars de quartiers populaires parisiens, Stéphanie Mathey est fière d'être "bistrotière", un métier très masculin que cette écolo convaincue révolutionne par petites touches.

Derrière le zinc, elle rayonne. "Quand elles m'ont vue au bar, les femmes ont commencé à entrer. Avant, elles n'osaient pas", se souvient-elle.

Stéphanie, qui défend la culture populaire des bistrots parisiens, fait partie de l'association qui milite pour leur entrée au patrimoine mondial de l'Unesco début 2020. "Les gens qui n'aiment pas Paris, je leur dis +Trouvez votre bistrot, rencontrez votre voisin, allez-y le matin avant le boulot: le café au comptoir, c'est 1,20 euro+".

Les premières années, cette brune piquante n'a pas compté ses heures, passant soirées et week-ends au bar, aux côtés de son compagnon, en plus de son emploi de cadre. "C'était chaud, jusqu'à ce qu'on puisse embaucher".

Ingénieure agricole, diplômée en biochimie, elle grandit dans une famille "très heureuse" entre Mantes-la-Jolie et Les Mureaux. Enfant, elle se rêve agricultrice comme son grand-père, éleveur de charolais en Normandie.

A 23 ans, elle entre chez Carrefour comme responsable qualité et parcourt la planète, du Brésil à la Thaïlande, pour auditer ses fournisseurs. Promue responsable du développement durable, elle y restera 10 ans.

Puis en parallèle en 2007 elle reprend la Timbale, dans le 18eme arrondissement, qui en 1890 était déjà un bar... et un dépôt de charbon. "L'ambiance était plutôt macho. A partir de 14h30, les patrons disaient +la machine à café est cassée+ pour forcer les gens à commander de l'alcool", se souvient-elle.

- "Banquets anti-gaspi" -

"On a ouvert le soir, baissé les tarifs, organisé des concerts, simplifié la carte pour passer au fait maison".

Aujourd'hui elle gère deux autres bars, le Débonnaire et l'Intermède, dans le 13eme arrondissement, "sur un mode participatif" avec son compagnon, son frère et trois salariés, dont un cuisinier sri-lankais, comptable dans son pays, qui a débuté à la plonge et se forme à l'école de cuisine et d'hôtellerie Ferrandi.

Et peu à peu, elle révolutionne le métier: "très écolo", elle évite les espèces de poissons surexploitées grâce à l'application Planet Ocean, calcule l'empreinte carbone de ses plats avec l'association Bon pour le climat, ajuste les portions pour limiter le gaspillage.

"On fait aussi des banquets +anti-gaspi+ avec des fanes de carotte, des peaux de concombres... c'est compliqué à réaliser, mais ça fait réapprendre à manger des choses".

Chinés, les meubles de ses bars sont réparés par sa mère, aussi en charge de l'approvisionnement en pommes de terre, sans laquelle elle "n'y arriverait pas".

Sa fierté: avoir fait de ses bistrots un lieu de brassage qui mêle familles, ouvriers, travailleurs indépendants et petits vieux qui "sortent de l'isolement" en venant siroter leur café l'après-midi.

Et dans un secteur au fort turn-over, elle se soucie de ses salariés, a mis en place un plan de formation, fait venir chaque année un ostéopathe et une assistante sociale et veille à ce que "chacun se sente reconnu".

"Les émissions de TV ont revalorisé le travail en cuisine, pas la salle. En France, si t'es en échec scolaire, t'es bête. Ce métier a été un exutoire pour mon compagnon. Parti à Londres, au bout de trois ans de métier, il servait la Reine d'Angleterre au Connaught Hotel".

Pour Stéphanie, "serveur, c'est un métier très intelligent: il faut être polyvalent, connecté, empathique, dire le bon mot à la bonne personne au bon moment".

Certains de ses 40 employés sont des intermittents du spectacle comme Lucie, chanteuse en tournée 3 mois par an, ce qui pourrait faire tourner les plannings au "casse-tête chinois", mais une gestion souple et connectée a été mise en place: ceux qui s'absentent préviennent en ligne, 72 heures avant.

Administratif, gestion... "Des fois je me dis +Que c'est compliqué! Heureusement que j'ai bac +6 !".

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