En première année de médecine, le quota n'a plus la cote

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 14 septembre 2018 - 23:39
Mis à jour le 15 septembre 2018 - 11:26
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Façade de la faculté de médecine à Paris
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Façade de la faculté de médecine à Paris
© LOIC VENANCE / AFP/Archives

Entre "bachotage" et "compétition", la première année des études de santé laisse un goût amer à ceux qui l'ont réussie, des jeunes médecins aux doyens de facs, jusqu'à la ministre de la Santé, tous favorables à une réforme de la sélection des futurs praticiens.

"Sur le moment, il y a énormément de stress. Je voulais absolument être médecin et je ne pouvais pas imaginer rater le concours." Plus de trente ans après sa première année de médecine, Agnès Buzyn reste marquée par cette période "difficile".

Aujourd'hui encore, "il y a trop d'enfants qui souffrent. Cette première année n'est plus supportable, c'est un gâchis", a-t-elle déploré jeudi sur France 2, promettant de "traiter (ce) mal-être" par "une réforme des études de santé" que "le président de la République annoncera la semaine prochaine", dans le cadre de la "stratégie de transformation du système de santé" promise en début d'année.

Vu de l'extérieur, la première année commune aux études de santé (Paces) s'apparente à un jeu de massacre: sur les quelque 60.000 étudiants inscrits, seulement 13.500 ont été autorisés cette année à poursuivre leur cursus en médecine, dentaire, pharmacie ou maïeutique (sage-femme).

Ce quota, appelé "numerus clausus", permet depuis près d'un demi-siècle au pouvoir politique d'ajuster la démographie médicale. D'abord à la baisse, dans l'espoir de réduire les dépenses, sans grand succès. Puis à la hausse, face aux pénuries croissantes et à l'apparition de déserts médicaux.

"Dans ma promo, en 2003, on était 1.500 pour 200 places à la fin", se souvient Clément Drubay, 33 ans, aujourd'hui médecin généraliste en Savoie.

Dans sa fac parisienne, "90% des étudiants avaient une philosophie compétitive" et "l'ambiance n'était pas très sereine".

Lui-même était "devenu comme une machine, avec des horaires réglés à la minute pour devenir le plus performant possible et ingurgiter un maximum de connaissances".

- "Une guillotine" -

"Ce n'était que du bachotage", confirme Sandra Henocq, 29 ans, elle aussi généraliste dans le Val-de-Marne, où elle a débuté ses études en 2007.

Elle raconte les soirées, weekends et vacances sacrifiés "à apprendre par cœur des connaissances qui n'ont pas été très utiles par la suite", pour réussir un concours qui "sélectionne les gens qui travaillent beaucoup et qui ont beaucoup de mémoire, mais pas en fonction de leurs qualités relationnelles et humaines".

Mais à l'époque, parmi les inscrits en première année à Créteil, seul "un sur dix" passait en deuxième.

"Je n'ai jamais aimé ce système parce qu'il met une tension extrêmement forte sur les étudiants", reconnaît l'ancien doyen de cette faculté, Jean-Luc Dubois-Randé, qui a présidé la Conférence des doyens de médecine de 2016 à 2018.

Sa première année remonte à 1975 et, déjà, "c'était une guillotine", résume-t-il, affirmant "militer depuis longtemps pour qu'on enlève ce numerus clausus", mais sans pour autant supprimer toute forme de régulation.

"Il y aura de toute façon un nombre fixé par les ministres" de la Santé et de l'Enseignement supérieur, prédit-il, approuvant le principe d'un "numerus apertus".

Cette idée, défendue politiquement par l'influent député (LREM) Olivier Véran, consiste à passer d'un nombre maximum à un minimum de places, que chaque université pourrait augmenter en fonction de ses capacités de formation et des besoins locaux.

Un moyen de desserrer l'étau, sans ouvrir complètement les vannes. Car "il faut quand même une sélection à un moment", estime Simon Chabas, 36 ans.

Ce généraliste des Bouches-du-Rhône, qui a redoublé sa première année à Marseille au début des années 2000, n'est "pas perturbé qu'il y ait un concours unique au début".

"C'est vrai que c'est brutal", concède-t-il, mais "beaucoup savaient au bout d'un mois qu'ils n'étaient pas assez intéressés pour suivre jusqu'au bout" et "les amphis se vidaient petit à petit".

Au bout du compte, "ceux qu'on croisait tôt le matin en salle de travail et qui partaient tard le soir étaient toujours les mêmes".

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