Evasion de Redoine Faïd : le mythe de prisons totalement étanches

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 02 juillet 2018 - 21:09
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Centre pénitentiaire de Réau, près de Paris, le 24 septembre 2013
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© THOMAS SAMSON / AFP/Archives
Centre pénitentiaire de Réau, près de Paris, le 24 septembre 2013
© THOMAS SAMSON / AFP/Archives

Peut-on empêcher les évasions de prison, comme celle de Redoine Faïd? Si les moyens utilisés pour la sécurité en détention n'ont cessé d'être musclés, des prisons totalement étanches apparaissent comme une chimère, d'autant que plane désormais la menace des drones.

Un renforcement constant de la sécurité

Le chiffre des évasions est resté stable ces dernières années: en 2017, neuf détenus se sont évadés de prison. La moyenne annuelle se situe entre 15 et 20 depuis 2010, selon les chiffres de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Le chiffre grimpe à plus de 700 ou 800 si l'on compte les retards après une permission de sortie ou les violations de contrôle judiciaire.

Le parc pénitentiaire français, qui compte 188 établissements pour quelque 70.000 détenus et souffre d'une surpopulation chronique, a mué au gré de la modernisation des bâtiments.

La plupart des prisons ont rehaussé leurs murs d'enceinte - pour éviter les jets de colis venant de l'extérieur -, ont tendu des filins au dessus des cours - pour empêcher les hélicoptères de se poser.

"Ces dernières années, on a mis l'accent sur les détenus jihadistes, peut-être au détriment des criminels fichés au grand banditisme: à la fois sous la pression des surveillants qui ont vécu des agressions très violentes et des politiques après les attentats de 2015", souligne un cadre de la pénitentiaire.

Deux prisons de haute sécurité ont été particulièrement aménagées pour accueillir des profils dangereux, notamment jihadistes: Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne): la détention y est très cloisonnée.

La plupart des évasions sont tentées lors de sorties médicales. Les attaques à l'explosif ou les intrusions par hélicoptère (comme celui du commando qui a emmené Redoine Faïd dimanche) sont rares. La dernière évasion par hélicoptère remonte à neuf ans, selon la DAP.

Simple comme un coup de fil

"Un plan aussi élaboré que l'évasion de Redoine Faïd suppose une coordination et un contact permanent entre l'intérieur et l'extérieur", relève une source pénitentiaire. L'évasion elle-même a été filmée par un détenu, dont la vidéo a rapidement circulé sur les réseaux sociaux.

En 2016, plus de 33.000 téléphones portables et accessoires avaient été saisis en prison, un chiffre qui a bondi à 40.067 en 2017.

En prison, via notamment le parloir en dépit des fouilles, "on trouve de tout: des iphone, des puces, des très petits modèles: ça va de 50 à 300 euros", avait expliqué à l'AFP un détenu joint en prison il y a quelques mois.

Brouillage et lignes filaires

Pour lutter contre les trafics et renforcer la sécurité, le gouvernement a lancé fin 2017 deux appels d'offre: l'un pour équiper les établissements les plus sensibles de puissants brouilleurs de communications par téléphones portables, et l'autre pour installer progressivement des téléphones fixes dans toutes les cellules.

La DAP veut équiper 50.000 cellules dans 178 établissements: les détenus pourront appeler entre cinq et vingt numéros préalablement autorisés. Et ils paieront leurs communications.

Ce dispositif, testé depuis juillet 2016 à la prison de Montmédy (Meuse), a "permis d'apaiser les tensions" et fait baisser de 20% les saisies de portables.

Concernant les téléphones portables, la lutte est difficile: sur les 804 brouilleurs en prison, seuls 10% fonctionnent.

Début 2018, un nouveau contrat a été passé, non pas pour acheter du matériel de brouillage - rapidement obsolète vu l'évolution technologique, comme le passage de la 3G à la 4G - mais un service pour "garantir un brouillage effectif", selon la Chancellerie: c'est la prestation qui sera payée et non plus l'équipement.

Les drones, nouvelles menaces

Les drones ont fait leur apparition dans le ciel des prisons: la DAP prend très au sérieux cette menace, les appareils offrant un moyen de "faire du repérage" mais aussi de "livrer des colis" et potentiellement des armes. Plusieurs directeurs d'Ile-de-France parlent d'un "vrai fléau".

En 2017, la DAP a comptabilisé 12 survols sur sept établissements, dont trois ont donné lieu à des livraisons de colis qui ont été détruits.

Dans certains établissements, il pourrait être envisagé d'avoir recours à des fauconniers ou à des armes électromagnétiques pour dérégler les appareils.

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