France Télécom : un ex-gouverneur de la Banque de France au secours de Lombard

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 15 mai 2019 - 00:00
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Jacques de Larosiere à Bruxelles le 25 février 2009
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© JOHN THYS / AFP/Archives
Jacques de Larosiere à Bruxelles le 25 février 2009
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Un patron "remarquable" qui a redressé une entreprise "en péril": un ex-gouverneur de la Banque de France a volé mardi au secours de Didier Lombard, l'ancien patron de France Télécom jugé pour "harcèlement moral" et accablé la semaine dernière par plusieurs témoignages.

Le premier témoin cité par la défense a un CV bien rempli: Jacques de Larosière a été directeur général du FMI de 1978 à 1987 avant d'être gouverneur de la Banque de France entre 1987 et 1993. Il fut également membre du conseil d'administration de France Télécom de 1998 à 2009; c'est à ce titre qu'il a témoigné mardi.

"La situation était critique. En 2002, la société avait frôlé la faillite lorsque la bulle internet avait éclaté", démarre l'homme de 90 ans. France Télécom avait alors "une des dettes privées les plus importantes du monde", explique-t-il.

En 2002, la dette était de 68 milliards d'euros. En 2005, un an après la privatisation, elle s'élevait encore à 47,5 milliards d'euros. L'entreprise était "en péril", selon Didier Lombard, PDG de 2005 à 2010, jugé depuis le 6 mai dix ans après une vague de suicides dans l'entreprise.

Ce contexte économique, les prévenus en ont beaucoup parlé lors de l'enquête et continuent de le mettre en avant au tribunal, pour justifier la vaste réorganisation de l'entreprise, qui a conduit à la suppression de 22.000 emplois sur un total de 120.000.

"J'avais l'impression d'être sur un bateau qui prenait l'eau", raconte Jacques de Larosière, en évoquant le début des années 2000. Il parle aussi de l'environnement "de plus en plus concurrentiel".

Thierry Breton, PDG de France Télécom de 2002 à 2005 avant de devenir ministre de l’Économie, avait "commencé à redresser la situation" mais Didier Lombard a été "particulièrement remarquable", avec sa politique d'innovation. Il affirme n'avoir "jamais assisté à un retournement" pareil dans une entreprise.

Jacques de Larosière ne tarit pas d'éloges. "Sa vision a sauvé l'entreprise et a été imitée à l'étranger par la suite". "Je tire mon chapeau!", ajoute-t-il encore.

- "Diktat" -

Didier Lombard avait nié au deuxième jour du procès qu'il y ait eu une "crise sociale" dans l'entreprise en 2009, alors que les suicides faisaient la Une des médias.

Jacques de Larosière est de son avis même s'il reconnaît qu'"il y avait des signaux, des alertes comme quoi c'était une transformation lourde pour les personnels et dans certains cas créatrice de stress". Il admet être "peut-être victime" de son profil de financier, mais martèle: "La politique était la bonne pour l'entreprise".

Avant de quitter la salle d'un pas alerte, le haut fonctionnaire croise le regard de l'épouse de Didier Lombard, qui lui adresse un sourire discret.

Puis la parole a été donnée à un autre membre du conseil d'administration, Hélène Adam, représentante du personnel pour l'Union syndicale Solidaires. Elle dénonce "un management dont l'unique objectif a été de faire partir les gens" et le "diktat" des marchés financiers. "Répéter sans cesse qu'il y avait une crise ne justifie pas qu'il fallait supprimer 22.000 emplois".

Pour la militante syndicale, la situation était "beaucoup plus sereine" en 2006 et il n'y avait "pas lieu de poursuivre ou d'accélérer les suppressions d'emplois déjà engagées sous Thierry Breton".

En 2009, un an avant le départ précipité de Didier Lombard, France Télécom (rebaptisée Orange en 2013) était devenu le quatrième opérateur mondial.

Dans leur ordonnance de renvoi devant le tribunal, consultée par l'AFP, les juges d'instruction soulignaient que "la stratégie industrielle mise en oeuvre à travers le plan NExT (lancé en 2005 pour la période 2006-2008) a été couronnée de succès". Avant d'ajouter: "Si on fait fi de la composante humaine de l'entreprise".

"De nombreux agents n'ont pas trouvé leur place dans l'environnement professionnel d'instabilité et de pressions qui leur a été imposé", expliquaient-ils.

Les débats se poursuivent jeudi.

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