Harcèlement : l'Assemblée muscle sa réponse interne

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Par Charlotte HILL - Paris (AFP)
Publié le 06 janvier 2020 - 12:24
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Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris, le 17 décembre 2019
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives
Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris, le 17 décembre 2019
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives

Travail de nuit, promiscuité, relation de pouvoir... Face à des conditions propices au harcèlement moral ou sexuel, l'Assemblée nationale renforce son dispositif interne. Mais deux ans après #MeToo, les collaborateurs s'alarment de situations encore "nombreuses et préoccupantes" au sein de l'institution.

"Un cas de harcèlement c'est déjà trop, il faut que ça s'arrête" prévient d'emblée Brayen Sooranna, représentant CFDT des quelque 2.000 "petites mains" qui assistent les élus du Palais Bourbon, sur place ou en circonscription.

Les plaintes sont rares. Mais la presse se fait régulièrement l'écho de procédures aux prud'hommes à l'encontre de députés (la LFI Muriel Ressiguier dernièrement). Des accusations démenties à chaque fois par les intéressés, certains portant plainte pour "dénonciation calomnieuse", comme Pierre Cabaré (LREM).

Il n'existe pas d'état des lieux du harcèlement à l'Assemblée, mais la déontologue avait indiqué début 2019 avoir en moyenne deux rendez-vous par mois avec des personnes se disant victimes, principalement de harcèlement moral.

Depuis 2013, cette personnalité indépendante a en sus de ses attributions (conflits d'intérêts, contrôle des frais de mandat...) une mission de lutte anti-harcèlement, avec un "référent".

Au vu d'un dispositif "insuffisant" de son propre aveu, et après des alertes répétées, une cellule "de prévention et d'accompagnement", avec un médecin, un psychologue et un juriste spécialisé est lancée en janvier, conformément à un vote des députés au printemps. En accord avec la victime, la cellule pourra transmettre son analyse à la déontologue.

En matière de harcèlement sexuel, Mathilde Julié-Viot, du collectif "Chair collaboratrice", qui avait dénoncé fin mars la persistance de ces phénomènes, estime que les choses n'ont pas évolué en dépit de la vague #MeToo: "messages à connotation sexuelle" et agressions "comme des mains aux fesses" restent d'actualité.

Des harceleurs sont même "promus ou maintenus", s'offusque la collaboratrice. "Je ne vois aucun mec grillé!", s'étonne-t-elle auprès de l'AFP, alors que "dès qu'une femme bouge un cil, il y a une plainte".

- "Toxique" -

Astrid Morne (UNSA-USCP) évoque "une constante malheureuse" en matière de harcèlement sexuel tandis que le harcèlement moral a, selon elle, "explosé sous cette législature", plusieurs groupes étant concernés.

De février 2018 à octobre 2019, "34% des collaborateurs sont partis", souligne un autre responsable syndical.

Dans la majorité, on renvoie certains conflits député-collaborateur à un enjeu de "compétences" et de "compréhension" de la fonction.

Un jeune collaborateur raconte à l'AFP avoir subi un processus "toxique": ce sont des "petites remarques", puis "on vous rabaisse" et ensuite viennent des "brimades en public"... aboutissant à une "perte de confiance".

"Ceux qui font la loi ne la respectent même pas" et la "seule échappatoire est de partir et baisser la tête" face à un supérieur hiérarchique qui a "droit de vie ou de mort sur votre contrat de travail".

Les syndicats déplorent un certain manque d'allant au plus haut niveau de l'institution, qui n'est pas employeur des députés. Ils espèrent que la nouvelle cellule ne sera pas "de l'affichage", déplorant ne pas y être associés.

"Deux points essentiels" manquent, affirme en outre Gonzague de Chantérac (CFTC Parlement): le lien avec l'inspection du travail qui ne peut pas intervenir à l'Assemblée et la capacité de saisir la justice.

"Si c'est une marche supplémentaire pour atteindre la déontologue (...) c'est décevant", abonde Mathilde Julié-Viot.

La Fondation Jean Jaurès a épinglé l'Assemblée mi-décembre pour la "lenteur" de sa réponse, soulignant que l'institution "ne paraît pas déterminée" à des sanctions en interne, contrairement au Parlement européen et au Sénat.

"On privilégie le droit commun avec une saisine de la justice plutôt que des petits accommodements pour régler en interne des sujets de nature pénale", rétorque l'entourage du président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM). Et de souligner que la cellule, "parfaitement indépendante", pourra aider les potentielles victimes à porter plainte.

Le député LFI Michel Larive, qui a présidé un groupe de travail consacré notamment à ces questions, pousse - comme les syndicats - pour une meilleure formation des députés-employeurs. Il note une volonté des députés "d'essayer de réagir". "Pas d'omerta", plaident des élus de divers bords.

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