Lactalis, "artisan fromager" devenu empire mondial du lait et du secret

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 11 janvier 2018 - 19:30
Mis à jour le 12 janvier 2018 - 16:32
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Au siège du groupe Lactalis à Laval le 12 janvier 2018
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© DAMIEN MEYER / AFP
Au siège du groupe Lactalis à Laval le 12 janvier 2018
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S'affichant comme le leader mondial du lait et du fromage, Lactalis, basé à Laval (Mayenne) est un champion français de l'industrie agroalimentaire, dont le pilotage familial, dur et secret, a suscité depuis plusieurs années une cascade de controverses en France.

Régnant sur environ 55% de la production de camembert AOP de Normandie au lait cru et sur 90% du camembert industriel au lait pasteurisé avec ses marques Président, Lanquetot ou Lepetit, Lactalis est toujours dirigé par les descendants d'André Besnier, artisan fromager installé en 1933 à Laval.

Avec 246 sites de production dans 47 pays, 75.000 collaborateurs dans 85 pays, dont 15.000 en France, le groupe a grandi par acquisitions successives, dont l'une des plus importantes fut la prise de participation dans Parmalat en Italie.

Ne publiant jamais aucun chiffre financier, même au greffe du tribunal de commerce, le groupe est critiqué pour son goût du secret, notamment sur ses coûts de revient. Alors que la famille Besnier figure dans le classement des 20 premières fortunes de France selon le magazine Challenge, le groupe justifie sa discrétion par les contraintes de la concurrence internationale et du "marché mondial" du lait.

Seul chiffre qu'il consent à livrer, son chiffre d'affaires annuel de 17,3 milliards d'euros est réalisé à 58% en Europe, 21% en Amérique, 14% en Océanie, et 7% en Afrique.

Le catalogue de marques de Lactalis est aussi long qu'un rayon crèmerie d'hyper-marché: d'abord Lactel pour le lait, puis La laitière, Flanby, Sveltesse, Yoco, Viennois pour les yaourts et desserts lactés, et Bridel ou President pour le beurre.

En fromages, le tableau est encore plus fourni: outre Président, Lanquetot et Lepetit, Lactalis produit aussi Chaussée aux moines, Lou Pérac, Salakis, Rondelé, Roitelet, Rouy, ainsi que le roquefort Société, et d'autres encore.

A l'international, il possède Galbani en Italie, leader des fromages de la péninsule présent dans 140 pays, fabrique le twarog en Europe de l'est, le kajmak en Serbie, est présent en Turquie après le rachat du premier laitier turc Ak Gida en 2015, et en Inde, après la reprise de la filière laitière d'Anik Industries en 2016.

Sa dernière conquête est le roi du yaourt islandais aux Etats-Unis, Siggi's, une start-up à succès au chiffre d'affaires de 147 millions de dollars qui a redonné le goût du yaourt aux Américains, dont le rachat a été annoncé le 5 janvier.

- Pdg invisible -

Sans contact avec la presse ni avec les pouvoirs publics, inconnu des salariés qui jurent ne "même pas connaître sa tête", l'actuel Pdg Emmanuel Besnier est "à la limite de la paranoïa" estimait l'Expansion dans une enquête en mai 2015.

Le magazine relatait alors que M. Besnier assistait aux matches du Stade Lavallois, le club de foot de la ville qu'il finance, "depuis sa loge derrière des vitres fumées".

La crise laitière de 2015, après la suppression des quotas laitiers, a assombri un peu plus l'image du groupe, illustrant à lui tout seul les contradictions de la mondialisation alimentaire.

Lactalis a été accusé par les éleveurs et les syndicats agricoles de leur payer le lait à des prix trop bas qui ne leur permettaient même plus de couvrir leurs frais de production, et de refuser toute discussion.

Le bras de fer a été l'une des raisons de la convocation des Etats généraux de l'alimentation, achevés en décembre, pour tenter de desserrer l'étau.

Certains témoignages d'éleveurs dont le lait était collecté par des laiteries Lactalis faisaient alors état de méthodes musclées, voire de menaces à leur encontre si ceux ci essayaient de changer de collecteur de lait.

"Lactalis met en avant le lait français et son savoir-faire dans ses publicités, mais on nous paye le lait au prix du lait indien" s'insurgeait ainsi un éleveur breton. Dans les manifestations, certains ont rendu responsable le groupe d'une partie des suicides d'éleveurs laitiers français qui ont défrayé la chronique depuis 2014.

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