L'avenir de Renault se prépare déjà sans Carlos Ghosn

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Par Daniel ARONSSOHN - Paris (AFP)
Publié le 15 janvier 2019 - 13:46
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Carlos Ghosn lors d'une visite de l'usine Renault à Maubeuge, dans le nord de la France, le 8 novembre 2018
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© Ludovic MARIN / AFP/Archives
Carlos Ghosn, le 8 novembre 2018 lors d'une visite d'une usine à Maubeuge
© Ludovic MARIN / AFP/Archives

L'avenir de Renault et de son alliance avec Nissan et Mitsubishi commence à s'écrire sans Carlos Ghosn, incarcéré au Japon et durablement empêché de diriger l'ensemble qu'il a conduit au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux.

Mais les révélations sur ses malversations présumées, distillées par le "partenaire" Nissan, annoncent une reconstruction difficile du lien de confiance entre dirigeants français et japonais.

- Remplacer Ghosn mais par qui ?

Carlos Ghosn, mis en examen notamment pour abus de confiance, a vu sa demande de libération sous caution de nouveau rejetée mardi et pourrait rester des mois en prison.

Il va être contraint d'abandonner la direction de Renault dont il est toujours officiellement PDG. "C'est une évidence", souffle une source informée à l'AFP. "Ils sont en train de recruter le remplaçant de Ghosn", confie un ancien cadre dirigeant du groupe. "Il y aura un renouvellement. Il faut juste être un peu patient", confirme une troisième source proche des discussions.

Le prétendant naturel serait a priori Thierry Bolloré, nommé il y a un an adjoint de Carlos Ghosn et dauphin officieux pour lui succéder à la direction générale du constructeur français.

M. Bolloré, connaisseur du Japon, aurait l'avantage d'assurer une continuité au sein d'un groupe fragilisé par le scandale Ghosn, mais il pourrait aussi être emporté par la volonté de renouvellement.

Plusieurs autres noms ont été évoqués dans la presse. Parmi eux, Jean-Dominique Senard, 66 ans, qui doit passer la main en mai comme patron de Michelin et est apprécié du gouvernement français, ou Didier Leroy, 60 ans, ancien de Renault devenu numéro deux de Toyota, le rival japonais de Renault-Nissan. Certains évoquent aussi Carlos Tavares, 60 ans, devenu patron de PSA en 2014 après avoir été évincé de Renault par Carlos Ghosn pour avoir osé prétendre publiquement à lui succéder.

- Vers une meilleure répartition du pouvoir ?

Jusqu'à son arrestation, Carlos Ghosn cumulait les fonctions de PDG de Renault, PDG de l'Alliance et président des conseils d'administration de Nissan et de Mitsubishi. Il a depuis été déchu de ses fonctions chez les deux partenaires, où des Japonais devraient logiquement le remplacer.

Son dauphin chez Renault héritera d'un périmètre plus réduit. Selon plusieurs sources, il n'est pas certain qu'il cumule des fonctions chez Renault et au sein de l'Alliance, incarnée juridiquement par la société Renault Nissan BV (RNBV), basée aux Pays-Bas.

En outre la fonction de PDG de Renault pourrait être scindée en deux, un directeur général exécutif d'un côté, un président du conseil d'administration, de l'autre, formule à la mode dans les sociétés sous influence de l'Etat. Un des scénarios évoqué est celui d'un tandem Bolloré-Senard.

La recherche prend du temps. "C'est normal" de mettre des mois pour recruter des dirigeants de ce niveau "qui ne courent pas les rues", estime un connaisseur de l'industrie.

Et, en attendant, "il y a un pilote dans l'avion, c'est la gouvernance provisoire actuelle", a assuré lundi le ministre français des Finances, Bruno Le Maire. L'Etat est premier actionnaire de Renault avec 15% du capital.

- Comment assurer la survie de l'Alliance ?

Les fuites distillées depuis le Japon par des responsables de Nissan agacent chez Renault, d'autant qu'elles visent désormais des proches de Ghosn comme la puissante Mouna Sepehri, directrice juridique et de la communication.

Le constructeur français s'est défendu vendredi en dénonçant "une campagne de déstabilisation délibérément orchestrée". Certains soupçonnent Nissan de travailler à un rééquilibrage du pouvoir au sein de l'Alliance, au détriment de Renault qui détient 43% du groupe japonais qu'il a sauvé de la faillite au début des années 2000.

"Regardez les faits. Ils sont graves", a répliqué Hiroto Saikawa, évoquant "des manipulations et dissimulations intentionnelles" dans un entretien aux Echos. Il assure son attachement à l'Alliance et sa volonté de ne pas en modifier la structure dans l'immédiat.

Renault a récemment échoué à faire réunir une assemblée générale des actionnaires de Nissan, signe de la défiance, mais aussi du peu d'influence du groupe français sur son "partenaire".

"Une sortie de crise est-elle possible avec les gens en place chez Nissan?", s'interroge une source à Paris, en pointant les défaillances dans la gouvernance de Nissan, mis en examen dans l'affaire Ghosn, et les performances déclinantes du constructeur nippon.

Une autre source proche du dossier juge naturels "les luttes d'influence" ou "réglements de compte" après l'effondrement du système Ghosn, mais elle insiste sur la nécessité de préserver l'essentiel, c'est à dire l'Alliance, au-delà du sort des dirigeants actuels.

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