Les neurosciences, marotte du ministre de l'Education, une piste pour apprendre mieux ?

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Par AFP
Publié le 07 octobre 2017 - 10:24
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Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer à Paris, le 11 septembre 2017
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© ALAIN JOCARD / AFP/Archives
Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer à Paris, le 11 septembre 2017
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Les neurosciences sont régulièrement mises en avant par le ministre de l'Education. Peuvent-elles améliorer les pratiques enseignantes et faciliter l'apprentissage des élèves ? Oui, à condition de ne pas occulter d'autres champs de recherche, estiment des spécialistes.

Jean-Michel Blanquer s'est à de nombreuses reprises prononcé en leur faveur pour modifier les méthodes d'enseignement ou les programmes. Il les a par exemple mentionnées lorsqu'il a préconisé la méthode de lecture dite "syllabique", ou la maîtrise des quatre opérations au CP et au CE1. "Comme le démontrent les travaux de recherche en sciences cognitives, sur lesquels on doit s’appuyer, la plasticité du cerveau est particulièrement forte dans les premières années de la vie, beaucoup moins ensuite", déclarait-il récemment.

Il se réfère aussi régulièrement au neuroscientifique Stanislas Dehaene, du Collège de France, qui est convaincu que "nous ne pouvons pas enseigner convenablement" sans comprendre "ce qui se passe dans la tête de l’enfant".

"L'angle mort de l'éducation nationale, c'est le cerveau des enfants, or c'est l'organe de l'apprentissage, de la réflexion, du bien être. D'ici dix ans, tout le monde l'aura compris", prédit Olivier Houdé, qui dirige la chaire Sorbonne Neuroéducation & Créativité, créée par François Hollande juste avant son départ.

Dès les débuts de l'école républicaine en France, "la question s'est posée de savoir comment les sciences pouvaient aider à comprendre les difficultés rencontrées par certains élèves", souligne-t-il auprès de l'AFP.

Certains pédagogues comme Montessori, Freinet ou Piaget avaient d'ailleurs pressenti l'importance du cerveau dans la pédagogie, mais "ils ne pouvaient pas l'observer à l'époque", poursuit cet instituteur de formation.

Selon lui, la grande nouveauté fut l'apparition à la fin du XXe siècle des technologies d'imagerie cérébrale (IRM), qui permettent de comprendre ce qui se passe dans le cerveau qui apprend.

Par exemple, devant deux rangées de jetons de même nombre mais plus ou moins écartés dans chaque rangée, l’enfant avant sept ans considère qu’il y a "plus de jetons là où c’est plus long". "L'IRM a montré que le cerveau de l'enfant, par automatisme, croit que la longueur est égale au nombre", explique M. Houdé, qui l'utilise dans le laboratoire du CNRS qu'il dirige à la Sorbonne. Mais l'IRM "a pu aussi tester des interventions pédagogiques ciblées qui provoquent le changement lui permettant de compter correctement", poursuit-il.

- Intuitions dès le plus jeune âge -

Autres enseignements des neurosciences: les enfants ont, très jeunes, des intuitions arithmétiques et de grandes capacités pour apprendre plusieurs langues; la sieste et le sommeil favorisent les apprentissages; le travail en petits groupes est plus motivant pour les élèves...

Le chercheur plaide aujourd'hui pour placer les neurosciences au cœur de l'école en les intégrant à la formation des professeurs. "Mais il faut éclairer leurs choix pédagogiques, plutôt que de leur imposer une méthode", dit-il, assurant que son équipe "aidera le nouveau ministre à le faire".

"Le sentiment aujourd'hui, c'est que Jean-Michel Blanquer prend parti pour les neurosciences, qui lui permettent de légitimer sa politique", s'inquiète pour sa part Francette Popineau, secrétaire générale du premier syndicat des enseignants en école primaire (le SNUipp-FSU). "On ne peut pas considérer une seule voix royale, qui permettrait de répondre à toutes les problématiques posées à l'école", juge-t-elle.

Philippe Meirieu, chercheur de l'éducation, met aussi en garde: "l'apport des neurosciences est extrêmement intéressant mais il ne doit pas pour autant éclipser tous les autres éclairages nécessaires à l'acte pédagogique que sont la psychologie, la sociologie, la linguistique, l'histoire, ou la pédagogie".

Ainsi, selon lui, "la connaissance des mécanismes cérébraux n'enlève en rien la nécessité de connaître", pour un enseignant, "des éléments sur le milieu ou la culture d'origine d'un élève".

Surtout, les "neurosciences ne peuvent pas dicter la pédagogie, elles peuvent l'éclairer, aider à débloquer parfois des situations. Mais ce ne sont pas elles qui donneront à l'enfant des raisons d'apprendre", insiste le chercheur.

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