A Paris, le retour des campements de migrants

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Par Claire GALLEN - Paris (AFP)
Publié le 11 janvier 2019 - 12:17
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Un demandeur d'asile couché sur un banc, dans un camp à Saint-Denis, au nord de Paris, le 10 janvier 2019
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Un demandeur d'asile couché sur un banc, dans un camp à Saint-Denis, au nord de Paris, le 10 janvier 2019
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Assis près d'un brasero, Moubarak ne fait plus attention aux gaz d'échappement ni aux immondices proches de sa tente: cachés comme lui sous le périphérique, les ponts ou l'autoroute, plus de 2.000 migrants dorment aujourd'hui à Paris, dans des conditions sanitaires épouvantables.

"Il y a beaucoup de Soudanais ici, des Erythréens, des Somaliens aussi", explique le Soudanais de 20 ans, en montrant le rond-point où une centaine de tentes sont serrées, porte de la Villette. Le lieu est difficile d'accès, en contrebas du périphérique, bruyant et d'une insalubrité stupéfiante, avec des déchets et des gravats amoncelés sur le sol.

Mais après "deux ans en France à dormir dehors", Moubarak espère que les choses vont s'arranger: il a pu se faire enregistrer en préfecture en septembre et attend son rendez-vous à l'Ofpra pour demander l'asile. Avec, espère-t-il, plus de chances que son compagnon de tente, qui "a le statut de réfugié" mais dort ici "depuis quatre mois".

Les campements avaient quasiment disparu de Paris après l'évacuation, en juin, de celui installé près de la porte de la Villette. Les forces de l'ordre se sont depuis efforcées d'empêcher toute reformation en délogeant les migrants dès leur installation, les rendant quasi "invisibles" selon les associations qui ont tiré la sonnette d'alarme fin décembre.

"Des milliers de personnes (...) se partagent les interstices des villes", ont affirmé 14 ONG dont Médecins sans frontières et le Secours catholique dans une tribune commune, accusant l'Etat de "mise en danger délibérée" des migrants.

Mais depuis l'automne, la situation a changé. Plus de 200 tentes sont installées sous l'autoroute A1, derrière la porte de la Chapelle, essentiellement occupées par des Afghans. Une grosse centaine d'autres, des Africains, s'égrène sur l'avenue Wilson, à Saint-Denis. Porte de Clignancourt, 250 personnes se sont installées sur le trottoir...

Comment expliquer cette situation? L'Ile-de-France a connu "une augmentation de 45% du nombre de demandeurs d'asile" en 2018 qui a "saturé les centres d'hébergement", a affirmé à l'AFP le préfet de région Michel Cadot.

A la Ville de Paris, on souligne qu'"entre mi-octobre et mi-décembre, il n'y a quasiment pas eu de mise à l'abri". "Tous les moyens sont sous-dimensionnés par rapport aux besoins" d'hébergement, ajoute-t-on.

- 1.200 places supplémentaires -

France Terre d'asile, chargée des maraudes, estime à 2.039 le nombre de migrants à la rue, contre 1.728 une semaine auparavant. "A ce rythme, on approchera les 4.000 en fin de période hivernale", soupire son directeur général Pierre Henry, qui dénonce "l'absence de prévisions, et l'idée que la maltraitance peut dissuader", mais aussi le fait que "depuis deux mois, on est sur d'autres préoccupations" avec le mouvement social des "gilets jaunes".

Porte de la Chapelle, Franck avoue "ne pas comprendre". "J'ai fui le Sud-Soudan il y a deux ans, ma famille est dans un camp en Ouganda, mais depuis six mois ici je dors dehors", soupire l'homme de 34 ans, qui envisage désormais de "partir en Grande-Bretagne".

Sur l'esplanade balayée par le froid, la soufflerie surdimensionnée du métro et le rugissement des moteurs crée un volume sonore assourdissant. Mais "c'est bien ici, avant j'étais à Francfort, la police vient tôt le matin pour vous renvoyer en Afghanistan. On ne fait pas ça en France", explique Sohran, autre Afghan de 30 ans, occupé à faire sécher son pantalon sur la soufflerie.

Autre difficulté pour les associations, la proximité de "la colline du crack", un campement de toxicomanes implanté porte de la Chapelle. "On sent une porosité", s'inquiète Philippe Caro de l'association Solidarités migrants Wilson, qui voit "la santé physique et mentale se dégrader" chez les migrants.

"C'est une catastrophe, il faut une mise à l'abri d'urgence", ajoute le bénévole.

Le préfet a promis vendredi un renforcement "ces prochains jours" des moyens d'hébergement des demandeurs d'asile, avec "1.200 places de mises à l'abri pour migrants" qui vont ouvrir "très prochainement" en Ile-de-France.

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