Prison avec sursis confirmée en appel pour le psychiatre d'un schizophrène meurtrier

Auteur:
 
Par AFP - Grenoble
Publié le 15 mai 2018 - 18:06
Image
L'entrée de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, le 13 novembre 2008
Crédits
© PHILIPPE MERLE / AFP/Archives
L'entrée de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, le 13 novembre 2008
© PHILIPPE MERLE / AFP/Archives

La cour d'appel de Grenoble a confirmé mardi la condamnation à 18 mois de prison avec sursis d'un psychiatre du Centre hospitalier de Saint-Egrève (Isère) dont un patient schizophrène avait tué un passant il y a bientôt dix ans.

La reconnaissance par la justice de la culpabilité d'un praticien hospitalier poursuivi pour homicide involontaire avait été une première en France lorsqu'elle avait été prononcée en première instance en décembre 2016.

Elle se retrouve donc renforcée par un arrêt la confirmant "en toutes ses dispositions".

La décision, prononcée presque cinq mois après l'audience, a été accueilli avec "soulagement" par la famille de Luc Meunier, cet étudiant en génie mécanique de 26 ans mort pour avoir croisé, dans les rues de Grenoble, la route du malade mental ce 12 novembre 2008.

"La justice a reconnu que ce médecin ne s'était pas préoccupé du suivi de ce patient, et que sa dangerosité est passée à la trappe. S'il y avait eu cette préoccupation, il n'y aurait peut-être pas eu le décès de Luc Meunier", a souligné Me Hervé Gerbi.

Le Dr Lekhraj Gujadhur, aujourd'hui septuagénaire et retraité, n'était pas présent à l'énoncé du délibéré. "Depuis ce drame, il a arrêté d'exercer. Moralement, il est très fragile et suivi par un de ses confrères", a déclaré son avocat Jean-Yves Balestas, qui a fait part de sa "grosse déception".

Un pourvoi en cassation est "assez probable", a estimé Me Balestas, pour qui cette condamnation "va bouleverser la pratique" psychiatrique par crainte de poursuites judiciaires.

Le jour du drame, Jean-Pierre Guillaud, 56 ans, atteint de psychose délirante chronique depuis près de quatre décennies et déjà auteur d'agressions à l'arme blanche, mais autorisé à des sorties non surveillées dans le parc de l'établissement, s'en était échappé sans difficulté.

Il prenait alors le car pour le centre de Grenoble, à une dizaine de kilomètres, achetait un couteau et tuait le premier venu.

L'événement avait provoqué un choc politique: Nicolas Sarkozy, alors président de la République, réclamait une réforme de la psychiatrie comportant des dispositions sur les malades dangereux, provoquant une bronca des praticiens.

L'hôpital de Saint-Egrève, relaxé en première instance, avait par la suite bénéficié de crédits pour clôturer tous ses pavillons. Et depuis tous les hôpitaux psychiatriques ont été grillagés.

Sans parler de bouc émissaire, l'avocat du psychiatre a laissé poindre son incompréhension: "On peut penser curieux qu'il soit le seul responsable alors que l'hôpital a la responsabilité du contrôle des sorties et que son chef de service n'a pas été poursuivi".

- un message négatif -

Pour Me Gerbi, en revanche, "c'est une mise en garde à l'encontre des psychiatres qui pensent que l’évaluation des patients schizophrènes les plus dangereux serait une question subalterne: elle doit être au centre de leurs préoccupations".

Norbert Skurnik, vice-président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp), l'un des principaux syndicats de médecins psychiatriques en établissement hospitalier, y voit lui un "message extrêmement négatif pour les malades, les familles et la population".

Cela peut inciter les médecins "à ne pas faire sortir les patients, à prolonger leur hospitalisation", met-il en garde. "Les schizophrènes ne sont pas une population criminogène: sur 600.000, il y a un passage à l'acte tous les trois ou quatre ans. En revanche, ils sont eux-mêmes victimes de toutes sortes de maltraitances".

Loin de ce débat et après 10 ans de bataille judiciaire "dont 8 vraiment seuls", la famille Meunier espère "dire ouf et passer à autre chose", selon les mots d'Odile, la mère, qui n'a pas retenu ses larmes. Et Sylvaine, la sœur de la victime, d'ajouter: "On n'a pas de colère, Luc ne reviendra pas. On était toujours dans l'appréhension et là on va reprendre la maitrise de nos vies".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.