Réforme des retraites : le bras de fer parlementaire s'engage lentement

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Par Charlotte HILL, Anne Pascale REBOUL - Paris (AFP)
Publié le 03 février 2020 - 05:00
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Dans l'hémicycle, les bancs LFI, avec Jean-Luc Melenchon, Clémentine Autain, François Ruffin, Eric Coquerel, Daniele Obono et Caroline Fiat, le 14 janvier 2020
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© Ludovic Marin / AFP/Archives
Dans l'hémicycle, les bancs LFI, avec Jean-Luc Melenchon, Clémentine Autain, François Ruffin, Eric Coquerel, Daniele Obono et Caroline Fiat, le 14 janvier 2020
© Ludovic Marin / AFP/Archives

Une âpre "bataille de mots", au ralenti: le bras de fer sur les retraites a démarré lundi à l'Assemblée dans une commission spéciale où les oppositions, LFI en tête, pilonnent la réforme portée par la majorité.

La commission a mis plus de trois heures à examiner 150 amendements sur les 21.661 au programme... Et le corapporteur du texte Nicolas Turquois (MoDem) a assez vite dénoncé "l'opposition de principe" des Insoumis, y compris pour des mesures de "solidarité unanimement reconnues", comme la "retraite minimale à 1.000 euros".

"Le pays est en ébullition depuis près de 60 jours contre votre projet de loi", a rétorqué Adrien Quatennens (LFI), faisant référence au mouvement de grèves qui secoue le pays depuis le 5 décembre. "Nous nous opposons à la philosophie totale du texte et à la duplicité" de la majorité, a ajouté Clémentine Autain.

A eux seuls, les Insoumis ont déposé environ 19.000 amendements, afin d'utiliser "toutes les armes possibles pour retarder la décision finale", selon leur chef de file Jean-Luc Mélenchon, présent en commission lundi.

"C'est du ZADisme législatif", tance le corapporteur LREM Olivier Véran. Cela vire à "l'absurdité", critique le ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau, qui pointe des amendements LFI supprimant chaque alinéa, y compris sur minimas de pension ou pénibilité.

De quoi gripper les travaux de la commission spéciale de 71 députés, qui risque de ne pas parvenir à achever l'examen des 65 articles du projet de loi ordinaire et les cinq du projet de loi organique, avant leur arrivée dans l'hémicycle le 17 février. Les textes seraient alors examinés dans les versions déposées par le gouvernement.

- "Playmobil" -

En préambule des débats, la présidente de la commission Brigitte Bourguignon (LREM) a réclamé "écoute mutuelle", "calme", et "esprit républicain", même si les échanges "pourront parfois être vifs" et les "désaccords profonds".

Les discussions sont restées courtoises, avec des premiers éclats de voix lors de l'intervention du communiste Sébastien Jumel, sur les "playmobil sans coeur" des LREM, en référence à leur récent vote contre l'allongement du congé de deuil lors du décès d'un enfant, sur lequel la majorité a reconnu une "erreur" qu'elle a promis de corriger.

"Ca suffit, franchement", "il n'y a pas de sans coeur ici", "ce n'est pas le débat" du jour, a aussitôt répondu Brigitte Bourguignon (LREM).

En marge du bras de fer entre Insoumis et majorité, la droite a fustigé "l'énorme problème de lisibilité" de cette réforme qui reviendrait à "recréer autant de régimes que ceux existant pour 95% des Français", selon Eric Woerth.

Les LR espèrent "incarner une troisième voie entre le gouvernement et celles et ceux dans le blocage", avance le patron du groupe Damien Abad.

Outre le fond de la réforme, les oppositions critiquent la forme: un texte "à trous" avec notamment ses 29 ordonnances programmées et un "mépris" du Parlement, en s'appuyant sur l'avis du Conseil d'Etat qui a pointé des projections financières "lacunaires".

A gauche, PS, PCF et LFI - sont prêts à dégainer tous les outils, dont une motion de censure commune contre le gouvernement, mi-février ou, comme le souhaitent les socialistes, au bout des débats en principe fin février.

En commission, le socialiste Boris Vallaud a fustigé "le mutisme" du secrétaire d'Etat aux retraites Laurent Pietraszewski, discret durant les débats, "alors que des questions précises lui sont posées".

De son côté, la marcheuse Catherine Fabre a défendu un projet de loi "plus solidaire, équitable et plus juste", notamment pour "les femmes".

- Pas de "coercition" -

La majorité est bien consciente que les oppositions ne lui feront "aucun cadeau".

"On sera également évalués à notre capacité à garder nos nerfs", prévient une marcheuse.

Car, après la commission, viendra l'examen en séance mi-février, où la crispation risque d'atteindre son paroxysme.

Le président du groupe MoDem, Patrick Mignola, suggère de brandir un "49-3 de dissuasion", arme de la Constitution permettant d'abréger les débats et d'adopter le texte sans vote.

Mais Marc Fesneau ne veut pas de "coercition". Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) déconseille au gouvernement le 49-3. "Ca finit toujours mal" selon lui.

Entre-temps, la bataille de la rue va se poursuivre: jeudi sont annoncées de nouvelles manifestations interprofessionnelles pour réclamer le retrait du projet.

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