Un an après l'explosion de la rue de Trévise à Paris, le "chemin des croix" des sinistrés

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Par Nicolas KIENAST - Paris (AFP)
Publié le 11 janvier 2020 - 08:23
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Dégâts causés après l'explosion d'une rupture de canalisation de gaz au 6, rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris le 12 janvier 2019
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© Carl LABROSSE / AFP/Archives
Dégâts causés après l'explosion d'une rupture de canalisation de gaz au 6, rue de Trévise, dans le 9e arrondissement de Paris le 12 janvier 2019
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"Peur du gaz", angoisses, "comportements anormaux": un an après, les sinistrés et victimes de l'explosion meurtrière de la rue de Trévise, à Paris, sont toujours engagés dans un lent et délicat processus de reconstruction psychologique.

L'anniversaire, dimanche, ravive le traumatisme de ce samedi 12 janvier 2019, quand vers 09H00, une explosion consécutive à la rupture d'une canalisation de gaz, devant le 6 rue de Trévise, souffle vitrines et immeubles, faisant quatre morts, dont deux pompiers, et 66 blessés. Six immeubles sont toujours interdits d'accès et une centaine de personnes vivent hors de chez elles, selon la mairie du IXe arrondissement.

Amor Ben Taziri, alors employé à l'hôtel d'en face, a perdu l'usage d'un oeil et du bras gauche. "J'essaie de me distancer le plus possible de l’anniversaire, de ne pas y penser", dit-il à l'AFP.

"C'est dur, très dur. Ça nous replonge dans l’état d’esprit dans lequel on était à l’époque", confie Claire Sallavuard, qui habitait au 6 rue de Trévise. Tout comme Imène Boulima-Moyroud, qui abonde: "C'est tellement proche qu’on arrive à se souvenir exactement de ce qu'on faisait il y a un an pile: +j'avais commandé ci, fait ça. Alors qu'en d'autres circonstances on ne sait rien de ce qu'on faisait un an avant."

Les images d'après l'explosion se superposent. La nécessité de s'extraire de sa chambre dévastée et, le lendemain, "devoir aller acheter des culottes aux enfants, pyjama, manteau, de quoi les habiller pour l'école, leurs affaires de classe etc." De se retrouver d'un coup "sans rien; on revit la souffrance de ces premiers jours", poursuit Imène Boulima-Moyroud.

Ces souvenirs de l'immédiat après-catastrophe ont longtemps été enfouis dans la mémoire des sinistrés, dans un processus post-traumatique fréquent.

"Au départ, on est tellement dans le déni, en lévitation, qu’on ne se rend pas compte. Et puis, quand je me suis retrouvée, perdue, à devoir consulter le GPS pour rentrer chez moi alors que j’étais à cinq minutes... Là je me suis dit +ça ne va pas du tout, il faut que tu te fasses prendre en main par des psys. Alors qu’au début on se dit + c'est bon, je suis vivante, je n’ai pas de grosses blessures, donc ça va+. En fait non" raconte Vanessa Mallet, qui habitait elle aussi au numéro 6.

- "Sur une poudrière" -

Le travail de reconstruction psychologique est jalonné de hauts et de bas. "A certains moments on est plein d'énergie, à d'autres épuisé et démoralisé. Ou très irritable. On a des comportements anormaux", souligne Claire Sallavuard.

Elle est parvenue à surpasser son angoisse des bouches de gaz: "Avant, j'en voyais partout et je les contournais, aujourd'hui, je les piétine."

Ce n'est pas le cas d'Amor Ben Taziri: "plus jamais tranquille dans la rue", il a "peur" dès qu'il sent du gaz et a depuis quitté son appartement chauffé à cette énergie. Ni de Vanessa Mallet qui, quand elle marche dans la rue, se dit qu'elle vit "sur une poudrière". Cette angoisse se double, pour elle, de celle de la longueur de la procédure.

Un rapport d'expertise provisoire, rendu public le 30 décembre, a pointé des "manquements" de la ville de Paris et d'une entreprise de travaux publics qu'elle avait mandatée, mais tout démarrage des travaux est suspendu à la poursuite des expertises.

"On n'aurait jamais pensé qu'un an après on n'aurait pas récupéré toutes nos affaires. On se dit +on ne va jamais s’en sortir+. Ça paraît un chemin de croix" témoigne Vanessa Mallet. Il devrait durer encore quelques années, sans qu'aucun calendrier de reconstruction fiable ne puisse être avancé.

Dounia Bencherat, mère d'Inès, grièvement blessée dans l'explosion, a également "hâte que ça avance". "Personne n’arrive à se reconstruire. Ce n'est pas comme un attentat où on vous dit +c’est lui le responsable+. Vous savez contre qui diriger votre colère. Là, on a l’impression que ceux susceptibles d'être mis en cause se refilent la patate chaude" estime-t-elle.

Pour elle et sa fille, comme pour les autres victimes et sinistrés, le lent travail de reconstruction est en partie suspendu à l'avancée de la procédure judiciaire.

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