Achoura de boue pour des fidèles chiites en Iran

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Par AFP
Publié le 01 octobre 2017 - 19:34
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Une jeune femme couverte de boue lors des célébrations de l'Achoura, à Khorramabad, en Iran
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© ATTA KENARE / AFP
Une jeune femme couverte de boue lors des célébrations de l'Achoura, à Khorramabad, en Iran
© ATTA KENARE / AFP

Un grand feu de bois illumine une ruelle de Khorramabad. Sortant de la pénombre d’avant l'aube, des hommes couverts de boue viennent se sécher à cette flamme alors que s’élèvent des chants à la gloire d’Hussein, le grand imam martyr des chiites.

Ville d’environ 400.000 habitants nichée dans les monts Zagros, dans le sud-ouest de l’Iran, Khorramabad célèbre l’Achoura, le grand deuil chiite, selon un rite particulier: les hommes se couvrent intégralement de boue, pour marquer la douleur et le chagrin que leur inspire la mort il y a plus de 1.300 ans d’Hussein, petit-fils de Mahomet.

"Cela remonte à nos anciennes traditions" de la province du Lorestan, explique Mohammad, professeur d’une trentaine d’années, tout juste sorti d’un bain de boue.

"Lorsque quelqu’un mourrait, on se roulait dans la boue", ajoute-t-il. "Plus le défunt était aimé, plus on se couvrait de boue. Plus tard, cela a été utilisé pour marquer la mort d’Hussein parce qu'il est vraiment cher au cœur des gens."

Cette coutume, qui n’a cours nulle part ailleurs en Iran, ajoute une touche festive à une journée marquée par l'évocation du destin tragique d’Hussein lors de la bataille de Kerbala, en 680 après Jésus-Christ, dans ce qui est aujourd'hui l'Irak.

Cet affrontement, à l’origine du grand schisme de l’islam, entre sunnites (majoritaires) et chiites, vit les hommes du calife omeyyade Yazid réduire à néant le soulèvement d’Hussein.

Comme ailleurs en Iran, Khorramabad marque l’Achoura par de grandes processions pendant lesquelles des hommes se fouettent au rythme ininterrompu des tambours. Aujourd’hui en Iran, ces flagellations sont surtout symboliques, les autorités ayant interdit la pratique de se fouetter le dos jusqu’au sang pour s’associer aux douleurs de l’imam martyr.

Presque tous les habitants ont revêtu des habits noirs, et comme ailleurs, les neuf jours de deuil précédant l’Achoura ont vu pousser dans les rues de petites tentes noires où l’on sert gratuitement thé et nourriture aux passants.

- Malheur et résistance -

Mais il y a aussi toute cette boue. Très vite après le premier appel à la prière, les hommes, et quelques femmes seulement, sortent dans la rue et se rassemblent autour de grandes cuves de terre qu’ils remplissent d’eau de rose pour former un bain de boue. Pendant quelques heures, des milliers d’hommes s’immergent dans ces cuves avant de se faire sécher devant des feux de bois et de partir en procession.

Régulièrement les rues résonnent du refrain "Hussein, Hussein, notre Seigneur" tandis que la foule se bat la poitrine en cadence au rythme des chants diffusés par des hauts-parleurs mobiles. Mais on pleure sans doute moins que dans d’autres villes d’Iran.

"C’est une célébration pour le peuple, cela n’a rien à voir avec les autorités", dit un spectateur. Khorramabad est devenue une destination prisée des artistes, photographes et journalistes, qui naviguent entre les hommes couverts de boue.

Parmi eux, le célèbre réalisateur iranien, Jafar Panahi, s’amuse de la situation. "Il y a plus de photographes ici que de fidèles", remarque-t-il, exagérant à peine, alors que dans d’autres villes d’Iran, comme à Tabriz (nord-ouest), l’Achoura donne lieu à une marée noire humaine dans les rues.

Ces processions sont parfois le seul moment de l’année où les enfants parviennent à échapper au contrôle de leurs parents, alors que nombre d’adultes fondent en larmes à l’évocation passionnée des dernières heures d’Hussein face à un ennemi supérieur en nombre: une histoire de malheur et de résistance ancrée dans les mémoires de l’Iran moderne.

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