Au Venezuela, retour au "Moyen Age" pour survivre à la panne de courant

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Par Maria Lorente - Caracas (AFP)
Publié le 28 mars 2019 - 07:45
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Des Vénézuéliens dans la rue pendant une méga-panne d'électricité, le 27 mars 2019 à Caracas
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© Cristian Hernandez / AFP
Des Vénézuéliens dans la rue pendant une méga-panne d'électricité, le 27 mars 2019 à Caracas
© Cristian Hernandez / AFP

Marcher pendant des heures, fabriquer des lampes à huile ou aller chercher de l'eau à la source: les Vénézuéliens font face à la nouvelle panne électrique géante qui frappe leur pays en ayant recours à des "méthodes du Moyen Age".

A Caracas, le mont El Avila, qui domine la ville de ses 2.200 mètres, est devenu un lieu de rendez-vous des familles qui s'y rendent avec seaux et bidons pour faire le plein d'eau, laver la vaisselle, faire la lessive... et ainsi pallier la paralysie des pompes à eau qui ne fonctionnent pas sans électricité.

"On est obligé de récupérer l'eau des sources qui ne sont évidemment pas toutes salubres, mais cela sert au moins pour se laver ou nettoyer la vaisselle", raconte Manuel Almeida. En raison des files d'attente, l'opération peut parfois prendre des heures.

Ailleurs, des habitants profitent de fuites dans les canalisations de la ville. Mais il faut encore faire bouillir l'eau ou la purifier chez soi. "On se couche sans se laver", explique Pedro José, 30 ans, qui vit dans un quartier populaire de l'ouest de Caracas.

Des commerçant en profitent pour augmenter le prix des bouteilles d'eau et des sacs de glace, entre 3 et 5 dollars, juste en dessous du salaire minimum au Venezuela (18.000 bolivars, soit 5,45 dollars). Ceux qui ont des dollars prennent d'assaut les hôtels qui ont des groupes électrogènes.

Si conserver la nourriture est un véritable défi, en trouver est encore plus difficile, la coupure de courant ayant contraint la plupart des commerces à fermer.

"On partage les aliments" entre membres de la famille et avec des amis, explique Coral Muñoz, 61 ans, qui se dit "chanceuse" d'avoir des dollars. "Il faut garder la tête froide pour supporter tout cela, essayer d'être accompagné, car seul, c'est encore plus dur", dit-elle.

Pour Kelvin Donaire, qui vit dans le quartier pauvre de Petare, la situation est plus compliquée. Il doit marcher plus d'une heure pour arriver à son travail dans une boulangerie du quartier cossu de Los Palos Grandes. Mais c'est vital pour lui : "Au moins, je ramène un pain à la maison", confie-t-il.

De nombreux habitants ont pris l'habitude de couvrir la viande de sel pour tenter de la conserver, d'autres se désespèrent de devoir en jeter à la poubelle, dans un pays frappé de pénuries et où les produits disponibles sont le plus souvent inaccessibles en raison d'une inflation hors de contrôle.

- "Nous sommes piégés" -

La nouvelle panne géante paralyse également les communications. Selon le réseau Netblocks, qui analyse le secteur, 85% du pays se retrouve privé de télécommunications.

Dans les magasins, les caisses ne fonctionnent plus et les transactions électroniques pour les paiements par cartes sont suspendues, dans un pays où même le pain s'achète avec une carte bancaire, faute de liquidités.

Certains clients laissent leur nom et leur numéro de pièce d'identité à des commerçant qui acceptent de leur faire confiance.

"Les gens ont besoin de manger, on leur permet d'emporter de la nourriture, ils nous paieront par transfert bancaire quand le courant sera revenu", explique Carlos Folache, propriétaire d'un magasin.

Des dizaines d'habitants se retrouvent aussi dans l'est de Caracas, au pied de la Torre Digitel, une des principales sociétés de téléphonie mobile, pour tenter d'avoir du signal. "J'essaie d'attraper du signal pour obtenir des informations (...) sur cet épisode chaotique que nous traversons", explique Douglas Pérez.

Alors que le métro est à l'arrêt, se déplacer se révèle tout aussi éprouvant. Il faut marcher des kilomètres ou faire la queue pendant des heures pour attraper un bus ou obtenir de l'essence.

Les rares bus disponibles sont bondés et les prix ont grimpé en flèche, alors que 90% de la flotte est paralysée faute de pièces de rechange. "Un billet coûtait 100 bolivars, maintenant c'est 1.500. Nous sommes piégés", enrage Pedro José.

A la nuit tombée, les familles s'éclairent avec les moyens du bord. "On fabrique des lampes avec de l'essence, de l'huile, du kérosène, tout type de combustibles", explique Lizbeth Morin, de 30 ans. "On est revenu au Moyen Age", se lamente-t-elle.

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