Davantage que Trump, les migrants centraméricains craignent le retour au pays

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Par Said BETANZOS, con Herika MARTINEZ en Ciudad Juárez - Tijuana (Mexique) (AFP)
Publié le 21 juin 2018 - 23:20
Mis à jour le 22 juin 2018 - 00:14
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Des membres de la famille Mendez, du Salvador, se reposent dans leur tente, située dans un camp de migrants, à Tijuana, au Mexique, le 20 juin 2018.
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© GUILLERMO ARIAS / AFP
Des membres de la famille Mendez, du Salvador, se reposent dans leur tente, située dans un camp de migrants, à Tijuana, au Mexique, le 20 juin 2018.
© GUILLERMO ARIAS / AFP

Davantage que la "tolérance zéro" de l'administration Trump, c'est la perspective de retourner dans leur pays et d'y affronter de nouveau la violence et la pauvreté qui angoisse les familles de migrants centraméricains. Pour cela, ils sont prêts à traverser la frontière illégalement.

A Tijuana, ville frontière face à San Diego, la famille Mendez, venue du Salvador, attend depuis deux semaines son tour pour déposer une demande d'asile aux Etats-Unis, un processus mis en place par les autorités américaines face au nombre de demandes.

"Le retour au pays n'est pas une option pour nous, ni rester au Mexique, parce que c'est tout aussi dangereux", explique à l'AFP José Abel Méndez, 28 ans, qui voyage avec sa femme et leurs trois enfants, dont le plus jeune à dix mois seulement.

Les Mendez se trouvaient sur le pont frontalier lorsque Trump a signé le décret mettant fin à la séparation des enfants de leurs parents migrants illégaux, pratique qui a déclenché une vague d'indignation aux Etats-Unis et dans le monde, ainsi que des accusations de violations des droits de l'homme.

Pour cette famille, le durcissement de la politique migratoire américaine n'a pas eu beaucoup de sens.

"On est prêt à tout affronter. Il (Trump) est président et il peut prendre les décisions qu'il veut. On ne peut rien faire, sauf nous plier à ses lois" commente Mendez.

- Père et fils séparés -

Angel Lopez, un Hondurien, a été séparé de son fils de sept ans avec lequel il a voyagé dans la caravane de plus de mille migrants centraméricains partie fin mars du sud du Mexique, et qui avait déclenché la colère de Trump.

Ce père de famille "est actuellement dans un centre de détention et sa demande d'asile est à l'étude, mais ils ne les ont pas laissés ensemble" relate à l'AFP par téléphone Wielder Lopez, autre fils de Angel, actuellement à Monterrey (nord).

"Je ne sais pas s'ils vont bien. Mon père parle parfois à une tante (aux Etats-Unis), mais il ne le laisse pas beaucoup utiliser le téléphone", explique le jeune homme.

Wielder a lui voyagé seul et économise pour tenter de passer la frontière d'une façon ou d'une autre. Il ne se soucie pas de la politique de "tolérance zéro" de Trump, qui poursuit au pénal les migrants clandestins.

"Je prends le risque pour une vie meilleure et qu'ensuite ma famille me rejoigne. Au Honduras il y a beaucoup de pauvreté et les maras (gangs) ne te laissent pas vivre" déplore-t-il.

C'est d'abord son père qui a émigré avec son petit frère, puis lui. Maintenant sa mère et son jeune frère de 18 ans envisagent d'entreprendre ce périlleux périple.

- Obstacle -

A Ciudad Juarez, autre ville frontalière mexicaine, voisine de El Paso aux Etats-Unis, le processus de demande d'asile se complique chaque jour un peu plus, jusqu'à violer parfois les lois américaines, dénoncent des organisations de défenses de migrants.

Selon Ricardo Garcia, directeur d'un centre pour migrants à El Paso, des agents américains filtrent désormais les personnes à la limite séparant les deux pays, au milieu du pont frontalier.

Ceux qui n'ont pas de papiers ne peuvent ainsi pas atteindre les fonctionnaires situés en territoire américain auxquels ils auraient normalement le droit de demander l'asile.

"Ils rejettent des personnes qui fuient par peur leur pays, et ils les renvoient ici", ce qui les incitent à traverser ensuite illégalement la frontière, dénonce M. Garcia.

Cet activiste a accompagné mercredi sur le pont des familles mexicaines fuyant la violence.

Karla, 26 ans, voyage avec ses quatre fils. Par sécurité, elle préfère rester anonyme, ni mentionner d'où elle vient au Mexique.

"Je ne sais pas si Trump a des enfants, mais lui aussi à eu une mère et il n'aurait pas aimé qu'on le sépare d'elle. Alors qu'il pense à nous, qu'il n'ait pas autant le coeur froid".

Dans la maison de migrants de Ciudad Juarez, le directeur, le père Javier Calvillo, est surpris que ces derniers jours aucune famille ne soit arrivée au refuge alors que trois semaines plus tôt il en hébergeait trente.

"Elles ont peur que nous les séparions de leurs enfants" commente-t-il car le sujet est partout dans les médias.

Selon les chiffres des autorités américaines, entre mars et mai, plus de 50.000 personnes ont été arrêtées après avoir franchi la frontière clandestinement. Environ 15% sont des familles et 8% des mineurs non accompagnés.

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