Des paillettes aux sanctions, le déclin de la Russie à Davos

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Par Andrea PALASCIANO - Moscou (AFP)
Publié le 14 novembre 2018 - 12:48
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Vladimir Poutine s'exprime devant le forum économique de Davos le 28 janvier 2009
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© ERIC PIERMONT / AFP
Vladimir Poutine s'exprime devant le forum économique de Davos le 28 janvier 2009
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Davos sans vodka ni caviar? Si la Russie menace de boycott le grand raout de l'économie mondiale, sa présence un temps incontournable, voire tapageuse, s'est en réalité faite déjà bien plus discrète, sanctions et ralentissement économique obligent.

Organisé chaque année dans les montagnes suisses, le Forum économique mondial (WEF) a donné l'occasion à la Russie post-soviétique d'étaler devant les élites mondiales la richesse engrangée par ses oligarques avec l'apparition de l'économie de marché, puis la puissance de ses conglomérats d'Etat formés sous Vladimir Poutine, le boom pétrolier des années 2000 aidant.

La fête semble terminée: selon le Financial Times, le magnat de l'aluminium Oleg Deripaska, le patron de la banque publique VTB Andreï Kostine le propriétaire de la société d'investissement Renova, Viktor Vekselberg auraient été priés, sous pression de Washington qui les sanctionne, de ne pas venir sabrer le champagne au prochain forum.

Ces informations ont provoqué les foudres du Premier ministre Dmitri Medvedev, qui a menacé mardi de ne pas envoyer de délégation du tout. Le WEF s'est refusé à tout commentaire.

"Le forum perd le roi de ses soirées: Oleg Deripaska", s'amuse la télévision en ligne indépendante Dojd, évoquant "son amour des +after-parties+ bruyantes" et une photo du dernier forum où le milliardaire se déhanche pendant que des cosaques exécutent une danse folklorique et que le champagne Dom Pérignon "coule à flots".

Si les grandes fortunes de Russie se donnaient parfois encore en spectacle, l'étoile russe semble avoir déjà bien pâli à Davos, notamment depuis le début des sanctions occidentales contre Moscou, après l'annexion de la Crimée en 2014.

Après l'édition 2018, Pavel Baev, chercheur associé à l'Ifri, estimait que la Russie s'y trouvait "réduite à l'insignifiance", se rappelant l'époque où "les affaires russes attiraient une attention démesurée".

"Cette année, l'élite économique mondiale ne semblait s'intéresser ni aux problèmes ni aux opportunités liés à cette puissance ébranlée et génératrice de troubles", analysait-il dans l'Eurasia Daily Monitor. "Le thème principal à Davos est le futur de l'économie mondiale. Or l'économie russe stagne, est sévèrement atteinte par la corruption et manque de nouveaux moteurs".

Après la récession de 2015-2016, les perspectives de croissance sont aujourd'hui très loin du redressement des années 2000 en raison des difficultés structurelles aggravées par des sanctions occidentales toujours plus dures.

Selon l'analyste Chris Weafer, "la Russie n'a plus beaucoup d'influence depuis 2008: elle n'a jamais retrouvé le rôle puissant qu'elle avait jusqu'alors et depuis, le pays a toujours été dans une forme ou une autre de crise, surtout depuis les sanctions de 2014".

Les années de grande influence russe à Davos correspondent à l'ascension fulgurante des oligarques dans les ruines de l'économie soviétique. Dans les années 90, la Russie y présente ses réformes. En 1996, les hommes d'affaires y décident de soutenir la réélection du président Boris Eltsine, en difficulté face au candidat communiste.

En 2009, Poutine s'y montre pour la dernière fois. La Russie sort le grand jeu avec une soirée dans une patinoire avec une armada de chefs cuisiniers, de patineurs et un spectacle assorti de feux d'artifice.

- "Un pas de plus vers l'isolement" -

Depuis, la Russie semble s'être progressivement désintéressée de l'événement et y était représentée ces dernières années par des ministres, tandis qu'elle devenait moins fréquentable pour les Occidentaux.

"2018 a marqué un tournant en termes de sanctions", estime Chris Weafer, citant la "liste des oligarques" menacés de sanctions par Washington.

Pour ce connaisseur de longue date des milieux d'affaires russes, les investisseurs du pays seront malgré tout représentés à Davos, "probablement en comité réduit, car ils doivent rester ouverts aux investissements étrangers". "Ne pas y aller serait un pas de plus vers l'isolement", a-t-il déclaré à l'AFP, expliquant la menace de boycott du Premier ministre comme une volonté de montrer aux Russes que la Russie "ne se laisse pas faire".

Mi-octobre, la Russie avait d'ailleurs annoncé que la représentation officielle du pays à Davos -- la "Russia House" -- serait élargie pour la prochaine édition en janvier 2019, comme l'avait expliqué le patron de l'organisateur Alexandre Stuglev: "le projet suscite un grand intérêt du côté des représentants russes et des délégations internationales".

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