Ligue des champions d'Asie - Le football peut-il rapprocher les pays du Golfe ?

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Par David HARDING - Doha (AFP)
Publié le 11 février 2018 - 16:13
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Photo de l'Espagnol Xavi, capitame de l'équipe d'Al-Sadd, et du Néerlandais, Wesley Sneijder, capitaine d'Al-Gharafa, lors d'un match de football au Qatar le 25 janvier 2018
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© STRINGER / AFP/Archives
Photo de l'Espagnol Xavi, capitame de l'équipe d'Al-Sadd, et du Néerlandais, Wesley Sneijder, capitaine d'Al-Gharafa, lors d'un match de football au Qatar le 25 janvier 2018
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La Ligue des champions d'Asie peut-elle réussir là où toutes les initiatives diplomatiques ont jusqu'à présent échoué? Même sans garantie, l'ouverture de la phase de groupes, lundi, offre une opportunité unique de briser la glace entre le Qatar et ses voisins du Golfe.

Le récent rapprochement, aussi soudain que précaire, entre les deux Corées à l'occasion des JO d'hiver en atteste: le sport peut parfois jouer un rôle en matière de diplomatie.

Dans le Golfe, depuis la rupture subite de leurs relations en juin 2017, tous les contacts entre l'Arabie et ses alliés d'un côté et le Qatar de l'autre sont rompus.

Le camp emmené par Ryad accuse notamment Doha de soutenir des "groupes terroristes", ce que le Qatar dément. Le dialogue est inexistant.

Dans ce contexte, le stade Mohammed ben Zayed d'Abou Dhabi sera le théâtre d'un petit évènement lundi avec la rencontre entre Al-Jazira, champion des Emirats arabes unis, et l'équipe qatarie d'Al-Gharafa.

"Ce ne sera pas un simple match de football, mais (aussi) un épisode géopolitique", affirme à l'AFP Simon Chadwick, professeur de sport-business à l'Université de Salford, au Royaume-Uni, et membre d'un groupe de réflexion sportif lié au gouvernement qatari.

"Peut-être que ces matchs de Ligue des Champions seront la clé" pour relancer les relations entre ces pays, avance-t-il, en évoquant une "plate-forme" inédite pour "un potentiel dialogue".

- 'Unique brèche' -

L'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, souhaitant prolonger leur politique d'isolement envers le Qatar, ont bien tenté d'agir: ils ont saisi la Confédération asiatique de football (AFC), mais celle-ci a refusé en janvier le principe de matches sur terrain neutre.

Les rencontres entre "les clubs du Qatar, d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis devront être disputées à domicile et à l'extérieur en 2018, conformément aux règlements", a souligné l'AFC.

Les fédérations des deux pays se sont finalement rangées à contrecœur à cette décision, une concession majeure compte tenu de leur intransigeance des derniers mois.

En décembre, l'Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn avaient ainsi refusé de participer à la Coupe du Golfe, un tournoi entre les huit sélections de la région organisé au Qatar.

Le Koweït avait alors récupéré à la dernière minute l'organisation de la compétition, à laquelle avaient finalement participé les trois pays réfractaires.

Par la suite, les voisins du Qatar ont maintenu leur strict embargo sur l'émirat gazier. Le mois dernier, Doha et les Emirats se sont mutuellement accusé d'avoir violé leurs espaces aériens respectifs.

Devant ces tensions incessantes, la phase de groupe de la Ligue des champions apparaît comme "l'unique brèche dans le boycott politique et diplomatique du Qatar", souligne James Dorsey, spécialiste du football et de la politique au Moyen-Orient, et membre de la Rajaratnam School of International Studies de Singapour.

- Jalousies ? -

Créée en 1967, cette compétition met aux prises 32 équipes, réparties en huit groupes lors de la première phase.

La rencontre de lundi n'est dès lors que la première d'une liste relativement fournie: le 13 février, le club émirati d'Al-Wasl doit accueillir son voisin qatari d'Al-Sadd, qui compte dans son effectif l'ancienne star du FC Barcelone Xavi Hernandez.

Le match retour, le 2 avril, pourrait s'avérer passionné, Al-Sadd étant l'une des équipes les plus soutenues au Qatar.

En juin, son stade s'était d'ailleurs retrouvé au coeur de la crise lorsque les joueurs de la sélection qatarie y avaient disputé un match amical vêtus de t-shirts de soutien à leur émir. Cette initiative avait été sanctionnée d'une amende par la Fédération internationale (Fifa).

Mais c'est Al-Gharafa, où évolue désormais l'international néerlandais Wesley Sneijder, qui doit être la première équipe qatarie à accueillir une équipe rivale, le club saoudien d'Al-Ahly le 5 mars, soit précisément neuf mois après le début de la crise.

Pour M. Dorsey, le fait que clubs saoudiens et émiratis se soient pliés à la décision de l'AFC s'explique par la popularité singulière du football dans les deux pays.

En cas de refus de jouer, "cela aurait fait beaucoup de fans mécontents", souligne-t-il. Mais, selon lui, les fédérations peuvent aussi vouloir redorer l'image de leurs pays dans une période de crises régionales, notamment au Yémen.

Par ailleurs, si le sport a parfois aidé à résoudre des crises politiques, il n'est pas pour autant une recette miracle, prévient James Dorsey, et il n'y a eu jusqu'à ce jour "aucun signe (...) d'une sortie de crise".

Compétition reine, la Coupe du monde fait figure de toile de fond dans ces tensions régionales:certains spécialistes estiment que la crise du Golfe a été provoquée par le choix du Qatar comme hôte du Mondial-2022, une source des jalousies régionales.

Ils estiment que l'impasse diplomatique pourrait prendre fin si Doha abandonnait l'organisation.

Mais le Qatar continue jusqu'ici à construire, à un rythme accéléré, les stades futuristes censés abriter la compétition planétaire.

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