Médias, trolls et hackeurs : les nouvelles armes du Kremlin

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Par AFP
Publié le 18 décembre 2017 - 11:49
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Vue sur la tour Spasskaïa du Kremlin à Moscou, le 23 novembre 2017
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© Mladen ANTONOV / AFP
Vue sur la tour Spasskaïa du Kremlin à Moscou, le 23 novembre 2017
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Élection de Donald Trump, Brexit ou crise catalane: les accusations d'ingérence pleuvent contre le Kremlin depuis plus d'un an, symbole de la crainte que suscitent les nouvelles armes de Moscou, entre hackeurs, "trolls" et médias sous contrôle.

Si les premières accusations visant Moscou sont apparues avec le piratage de serveurs du parti démocrate américain en 2016, elles se sont rapidement multipliées après l'élection de Donald Trump, révélant un large éventail d'outils déployés au service des intérêts du Kremlin.

Un temps au coeur des inquiétudes, les insaisissables "hackeurs russes", qui travailleraient pour les services secrets dans le cadre d'une guerre cybernétique, ont laissé place aux reportages télévisés, articles sur internet et annonces virales sur les réseaux sociaux, destinés autant à expliquer les positions de Moscou qu'à jouer sur les failles et les divisions des démocraties occidentales.

Dernier épisode de ce feuilleton qui empoisonne la présidence de Donald Trump: en novembre, la chaîne de télévision publique RT, accusée de relayer la propagande du Kremlin à l'étranger, s'est soumise aux exigences de Washington en s'enregistrant en tant qu'"agent de l'étranger" aux Etats-Unis.

Quelques semaines auparavant, Twitter avait déjà décidé d'interdire à RT et à l'agence de presse publique russe Sputnik de diffuser des contenus parrainés, tandis que Facebook et Google promettaient de lutter davantage contre la "désinformation" de Moscou.

Partout, la menace affole: Madrid s'inquiète de "manipulations" venues de Russie lors de la crise catalane, des observateurs britanniques voient les signes d'une influence russe dans le Brexit et les craintes d'ingérence dans divers scrutins, de l'Allemagne à la France, se multiplient.

- 'Guerre de l'information' -

Le Kremlin, lui, n'a pas de mots assez forts pour dénoncer des accusations "hystériques", "ridicules", "infondées", qui se nourriraient d'un climat de "russophobie" ambiant. Aux yeux de Moscou, les preuves concrètes se font toujours attendre.

Partant du constat qu'elle avait perdue la "guerre médiatique" lors de son conflit-éclair avec la Géorgie à l'été 2008, la Russie a tout fait pour développer son "soft power". Ses efforts ont notamment abouti au développement de médias en plusieurs langues étrangères: la chaîne Russia Today, devenue RT et qui est sur le point de lancer sa version française, et l'agence de presse en ligne Sputnik issue de la réorganisation du groupe Rossia Segodnia.

Ces deux bras armés médiatiques du Kremlin à l'étranger ont pour mission officielle de présenter le point de vue de Moscou, notamment sur des sujets de tensions avec les Occidentaux comme la Syrie ou l'Ukraine.

"La Russie dépense beaucoup pour la guerre de l'information et y rajoute en permanence de nouveaux acteurs. Elle est en avance" dans ce domaine, souligne auprès de l'AFP Andreï Soldatov, rédacteur en chef du site Agentura.ru, spécialisé dans les affaires de renseignement.

En 2014, un nouvel outil d'influence, plus secret, est apparu au grand jour dans les médias russes: l'"usine à trolls" de Saint-Pétersbourg. Officiellement nommée l'Internet Research Agency, cette société, qui serait liée au renseignement russe selon la presse, alimenterait des milliers de faux comptes sur les réseaux sociaux pour tenter d'influencer l'opinion publique.

Dans un premier temps utilisés à des fins de politique intérieure, selon les sources interrogées par le quotidien d'information économique RBK, les "trolls" ont été réorientés à partir de 2015 pour semer la discorde aux Etats-Unis, se faisant passer tantôt pour un camp ou pour l'autre, organisant même des manifestations ou répandant sur internet de fausses informations.

- Moyens limités -

Les opérations du Kremlin pendant la campagne américaine "n'avaient pas pour but de décider qui serait à la Maison Blanche" mais "de porter un coup à la légitimité du gouvernement américain, à sa capacité à agir et à son unité", résume dans une tribune Mark Galeotti, expert en sécurité et chercheur à l'Institut des relations internationales de Prague.

Pour autant, malgré les efforts de Moscou, son pouvoir d'influence et ses capacités d'action restent limitées.

Des responsables américains ont ainsi souligné que les contenus diffusés depuis la Russie et les sommes dépensées lors de la campagne électorale ne représentent qu'une portion minime du flux d'information et du budget total.

Sur Facebook, les Russes ont ainsi dépensé environ 100.000 dollars avant et après l'élection, contre... 81 millions pour Hillary Clinton et Donald Trump.

Quant aux hackeurs, l'outil le plus opaque au service du Kremlin, ils ont été accusés d'avoir visé le parti démocrate américain, le mouvement d'Emmanuel Macron en France, la puissante NSA ou encore l'Agence mondiale antidopage.

Pour autant, "les capacités des Américains en terme de sécurité informatique sont bien supérieures", indique M. Soldatov, expliquant que les Russes privilégient des méthodes nécessitant peu de ressources, telles que le vol de mots de passe.

Plus généralement, l'expert relativise les succès du Kremlin dans la guerre de l'information.

"Le Kremlin n'a pas obtenu grand chose de ses opérations", qui ont "plus fait de bruit" qu'apporté des gains pour Moscou, souligne par ailleurs M. Soldatov, qui voit néanmoins la tentation pour d'autres pays de développer des techniques similaires à l'avenir.

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