Pétrole de l'Arctique : les ONG perdent un procès emblématique contre la Norvège

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Par Pierre-Henry DESHAYES - Oslo (AFP)
Publié le 04 janvier 2018 - 19:09
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La justice norvégienne a débouté Greenpeace et deux autres ONG opposées à l'attribution par la Norvège de licences pétrolières dans l'Arctique
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© MARTIN BUREAU / AFP/Archives
La justice norvégienne a débouté Greenpeace et deux autres ONG opposées à l'attribution par la Norvège de licences pétrolières dans l'Arctique
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La justice norvégienne a débouté jeudi Greenpeace et deux autres ONG opposées à l'attribution par la Norvège de licences pétrolières dans l'Arctique, une affaire emblématique montrant que la lutte contre le réchauffement se joue de plus en plus dans les prétoires.

Dans un jugement encore susceptible de faire l'objet d'un appel, le tribunal d'Oslo a estimé que l'Etat norvégien n'avait pas violé la Constitution en octroyant en mai 2016 des concessions en mer de Barents à 13 groupes pétroliers, parmi lesquels le champion national Statoil, les américains Chevron et ConocoPhillips, et le russe Lukoil.

Conjointement avec les organisations Nature et Jeunesse et Campagne des Grands-Parents pour le Climat, Greenpeace avait assigné la Norvège en invoquant pour la première fois une récente disposition constitutionnelle qui garantit le droit de tous à un environnement sain.

Les plaignants avaient aussi fait valoir que de nouvelles activités pétrolières dans l'Arctique, région a fortiori fragile, iraient à l'encontre de l'Accord de Paris signé par Oslo en 2016, qui vise à limiter à moins de 2°C le réchauffement climatique.

S'il a reconnu que le paragraphe 112 de la Constitution apportait de nouveaux droits au justiciable, le tribunal d'Oslo a conclu que cela ne s'appliquait pas à l'attribution de licences pétrolières.

Le juge a notamment estimé que la Norvège, premier producteur de pétrole et de gaz naturel d'Europe de l'Ouest, ne pouvait être tenue pour responsable des émissions de gaz carbonique générées par ses exportations d'hydrocarbures dans d'autres pays.

Les plaignants devront par ailleurs payer les 580.000 couronnes (plus de 59.000 euros) de frais judiciaires de l'Etat.

"Nous sommes satisfaits que le tribunal ait donné un contenu clair au paragraphe sur l'environnement (...) qui peut être utilisé pour stopper des décisions politiques néfastes", a réagi le chef de Greenpeace Norvège, Truls Gulowsen.

"En même temps, nous sommes très déçus qu'il ait créé un vide juridique en prétendant que les émissions dues au pétrole norvégien à l'étranger ne sont pas couvertes par cette disposition de la Constitution", a-t-il dit à l'AFP.

- L'industrie pétrolière satisfaite -

Une victoire des ONG aurait eu de sérieuses répercussions économiques pour le royaume, qui doit sa richesse au pétrole. Celui-ci lui a permis d'amasser un fonds souverain de plus de 1.000 milliards de dollars, le plus important au monde.

Face au déclin de sa production pétrolière, divisée par deux depuis 2000, la Norvège compte aujourd'hui sur le Grand Nord: selon des estimations officielles, la mer de Barents recélerait environ 65% des ressources restant à découvrir au large du pays.

Lors du procès en novembre, l'Etat --actionnaire de Statoil à 67%-- avait affirmé que l'attribution des licences d'exploration avait été conforme à la loi. Son défenseur, le procureur général Fredrik Sejersted, avait aussi dénoncé un "show" des ONG.

"La politique pétrolière de la Norvège est l'affaire du Parlement, pas du système judiciaire", a commenté jeudi Tommy Hansen, porte-parole de l'organisation représentant le secteur pétrolier.

"Et c'est un Parlement unanime moins une voix qui avait adopté le 23e cycle de concessions pétrolières. Il bénéficie donc d'une solide majorité politique et démocratique", a-t-il déclaré à l'AFP.

L'horizon de l'industrie pétrolière dans le Grand Nord norvégien n'est pas dégagé pour autant: les dernières campagnes de prospection ont été décevantes et les coûts d'exploitation d'éventuelles découvertes s'annoncent élevés, ce qui a détourné plusieurs majors de la région.

L'affaire illustre en tout cas la judiciarisation croissante du combat contre le réchauffement planétaire.

Le Grantham Research Institute on Climate Change de Londres a ainsi répertorié plus de 260 affaires ayant trait au climat dans 25 juridictions, la plupart depuis moins de dix ans. Ce chiffre exclut les États-Unis, où le nombre de contentieux de ce genre est supérieur à 700.

Des batailles judiciaires parfois couronnées de succès.

Les Pays-Bas ont été condamnés en 2015 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25% avant 2020, une décision qui a fait l'objet d'un appel.

En novembre, la justice allemande a aussi accepté d'examiner la requête d'un paysan péruvien qui veut contraindre le géant de l'énergie RWE à réparer les effets du changement climatique dans les Andes.

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