Roumanie : inculpation de Laura Kovesi, favorite pour diriger le parquet européen

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Par Ionut IORDACHESCU - Bucarest (AFP)
Publié le 29 mars 2019 - 03:12
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L'ancienne cheffe du parquet roumain anticorruption Laura Kovesi, le 27 juin 2017 à Paris
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© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
L'ancienne cheffe du parquet roumain anticorruption Laura Kovesi, le 27 juin 2017 à Paris
© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives

La magistrate roumaine Laura Codruta Kovesi, l'une des favorites pour diriger le futur parquet européen, a été inculpée jeudi à Bucarest pour faits de corruption, a indiqué à l'AFP une source judiciaire, confirmant des informations de presse.

Pour cette magistrate considérée comme un symbole de la lutte anticorruption, mais en butte à l'hostilité du gouvernement roumain, ces poursuites pourraient compromettre une nomination au poste de procureur européen au moment où le processus de désignation touche à son terme.

La procédure contre Mme Kovesi, cheffe du parquet roumain anticorruption jusqu'en juillet dernier, risque également d'assombrir un peu plus les relations entre les sociaux-démocrates au pouvoir à Bucarest et les responsables européens alors que la Roumanie assume jusqu'en juillet sa première présidence de l'UE.

Déjà entendue à deux reprises ces dernières semaines par la justice roumaine, Mme Kovesi s'est vue notifier son inculpation lors d'une audition de six heures à Bucarest, ont rapporté les médias roumains.

A l'issue de celle-ci, elle a refusé de s'exprimer sur la procédure en vertu d'une interdiction formulée par les magistrats en charge du dossier, ce qu'elle a vivement dénoncé.

"C'est une mesure pour me faire taire, pour harceler ceux qui, au sein du système judiciaire, ont fait leur travail", a-t-elle déclaré à la presse.

Elle a de nouveau accusé la majorité sociale-démocrate de tout faire pour torpiller sa candidature au poste de chef du parquet européen.

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP que les poursuites contre Mme Kovesi sont assorties d'une interdiction d'exercer les fonctions de magistrate.

Selon plusieurs médias, un contrôle judiciaire strict lui interdisant de quitter la Roumanie a également été ordonné.

- Référendum sur la justice -

Le parquet de Bucarest devrait communiquer vendredi sur le cas de la magistrate qui peut faire appel de tout ou partie des mesures prononcées car elles risquent de compliquer le maintien de sa candidature européenne.

La majorité de gauche reproche à cette magistrate de 45 ans d'avoir commis des "abus" dans ses enquêtes qui ont abouti à la condamnation de dizaines d'élus locaux et nationaux.

Le gouvernement a obtenu en juillet 2018 le limogeage de Mme Kovesi qui dirigeait le parquet anticorruption (DNA) depuis 2013.

Elle est depuis visée par deux enquêtes. Dans un dossier, elle est soupçonnée d'avoir fermé les yeux sur une présumée falsification de preuves par deux procureurs de Ploiesti (sud), poursuivis pour ces faits. Dans une autre affaire, elle se voit reprocher des infractions en lien avec l'extradition en 2011 depuis l'Indonésie d'un Roumain condamné pour avoir spolié quelque 300.000 petits épargnants.

Le parquet n'a pas indiqué jeudi dans quel dossier elle avait été inculpée.

Mme Kovesi est en lice pour le poste de chef du futur parquet européen avec un candidat français et un allemand. La nomination fait actuellement l'objet de négociations finales entre le Parlement européen et les pays de l'UE qui n'ont pas exprimé les mêmes préférences.

Le parquet européen spécialisé doit être opérationnel fin 2020. Organe indépendant, il sera chargé de combattre les crimes contre les intérêts financiers de l'UE, comme la corruption et les fraudes transfrontalières à la TVA portant sur plus de 10 millions d'euros.

Le travail du parquet roumain, qui a poursuivi et condamné des dizaines d'élus pour malversations ces dernières années, a été régulièrement salué par les institutions européennes.

Bruxelles est en revanche très critique de la réforme de la justice mise en oeuvre à marche forcée par les sociaux-démocrates depuis deux ans, qui risque selon ses détracteurs d'affaiblir la lutte contre la corruption et de saper l'Etat de droit.

La refonte du système judiciaire est également combattue par le président roumain de centre-droit, Klaus Iohannis, qui a annoncé jeudi la convocation d'un référendum, le 26 mai, pour consulter les Roumains sur l'ensemble des réformes de la justice.

Ces réformes ont notamment permis la création d'une nouvelle section du parquet chargée d'enquêter sur les délits commis par les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions. C'est ce nouvel office qui est chargée des enquêtes sur Mme Kovesi.

Le parti social-démocrate (PSD), qui conduit la coalition gouvernementale, avait assuré que la procureure serait traitée "équitablement", appelant l'opposition à ne pas "politiser" l'action en justice à son encontre.

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