Agnès Buzyn, la femme politique s'éveille

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 26 mars 2019 - 12:24
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Agnès Buzyn, ministre des Solidarités, dans son bureau le 17 septembre 2018
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© Eric Feferberg / AFP/Archives
Agnès Buzyn, ministre de la Santé, le 17 septembre 2017 à Paris
© Eric Feferberg / AFP/Archives

Presque inconnue il y a deux ans, Agnès Buzyn est désormais solidement installée au ministère de la Santé, où cette femme médecin s'est affirmée comme une figure du macronisme dans la fidélité, dit-elle, aux "valeurs" de son ex-belle-mère, Simone Veil.

Personne n'avait vu venir cette femme réservée à l'allure soignée de bonne élève, dont la voix fragile cache une fermeté parfois trahie par un regard bleu acier.

Mais qui aurait parié sur une spécialiste des leucémies et de la greffe de moelle, au pur profil de technicienne sans expérience politique?

Son parcours, pourtant, témoigne d'une ambition certaine: chef de l'unité de soins intensifs d'hématologie de l'hôpital Necker à 30 ans, nommée à la tête de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à 45, de l'Institut national du cancer à 48, de la Haute autorité de santé à 53, et enfin ministre à 54.

"L'aboutissement de toute ma carrière professionnelle", reconnaît l'intéressée.

Propulsée dans la lumière, elle s'impose d'abord comme ministre de la santé publique, avec des choix emblématiques sur le tabac et les vaccins.

Portée par "l'illusion que le rationnel scientifique pouvait suffire à faire prendre les bonnes décisions", elle doit en rabattre sur l'alcool quand Emmanuel Macron affirme "boire du vin le midi et le soir".

Et quand Yves Levy, son mari et père de son troisième fils, spécialiste du Sida, a voulu se maintenir à la tête de l'Inserm l'an dernier -avant de renoncer- elle s'est défendue des soupçons de conflit d'intérêts d'un abrupt: "Ca ne me regarde pas".

"La politique, c'est violent, parfois douloureux", concède-t-elle, "mais quand on a dû annoncer des diagnostics épouvantables à des familles, à des enfants, c'est quand même beaucoup moins grave".

Beaucoup moins lourd, aussi, que le poids de l'histoire d'une famille de juifs polonais rescapés de la Shoah.

Celle de la mère, Etty, cachée par une famille de Justes durant l'Occupation, devenue une psychanalyste de renom.

Celle du père, Elie, survivant de l'enfer d'Auschwitz, devenu chirurgien orthopédique.

"Quand des gens ont enduré ce qu'ils ont enduré, ça donne une autre échelle des valeurs", explique-t-elle. La preuve, "quand ça va mal, je dis toujours à mes équipes +Est-ce que quelqu'un va mourir à la fin?+".

- "Passage de relais" -

Le cuir s'est encore endurci au contact de Simone Veil, dont elle épousa le fils Pierre-François, avec qui elle eut ses deux premiers fils.

"Je l'ai connue jeune, lorsque j'étais encore étudiante, et j'avais pour elle une immense admiration", confessait-elle à l'été 2018, lors de l'entrée de la grande dame au Panthéon.

Elle évoquait alors "un passage de relais" avec l'icône du droit à l'avortement, ministre de la Santé à deux reprises et première présidente du Parlement européen.

La tentation de Bruxelles fut d'ailleurs très forte en ce début d'année. "Elle a été approchée par plein de gens, ça a résonné par rapport à son histoire et à ses convictions", raconte un haut fonctionnaire.

Mais, en plein vote de la loi santé, "ça aurait été un énorme gâchis de changer de ministre", d'autant qu'elle a "une forte crédibilité dans le secteur".

Un sentiment moins partagé à la base du système hospitalier où les infirmières gardent en travers de la gorge quelques attitudes qualifiées de "mépris de classe": des yeux levés au ciel, un rictus lors d'une visite à Rouen... Un médecin parisien juge que la ministre est depuis trop longtemps "déconnectée du terrain".

Pas de quoi la pousser à partir, quand tant d'autres ont voulu la retenir. "Ils ont tous fait une démarche auprès d'elle en disant +Vous ne pouvez pas nous laisser tomber+. Ca l'a beaucoup touchée", selon un pilier de la majorité.

Tant pis pour le symbole d'un destin européen dans les pas de Simone Veil. "Je trace mon propre chemin, en restant fidèle à ses valeurs", dit Agnès Buzyn.

Un chemin qui la confrontera bientôt aux tabous d'une société: la bioéthique, les retraites, la dépendance. En substance, la vie et la mort, mais elle l'assure: "Je n'ai pas peur. En fait, je n'ai peur de rien".

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