A Bordeaux, Sanka, SDF, teste un "iglou" synthétique

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Par Régine LAMOTHE - Bordeaux (AFP)
Publié le 26 février 2018 - 13:11
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"Iglou", tunnel isolant de 1,20 m de large sur 2 m de long, installé à Bordeaux
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© NICOLAS TUCAT / AFP
"Iglou", tunnel isolant de 1,20 m de large sur 2 m de long, installé à Bordeaux
© NICOLAS TUCAT / AFP

Sur les rives ventées de la Garonne, Sanka, SDF depuis 18 ans, se glisse dans un étrange tube blanc pour échapper au froid: cet "iglou" d'un nouveau genre est testé à Bordeaux en liaison avec l'association Médecins du Monde, ainsi qu'à Paris avec Action Froid.

Le thermomètre affiche -2°C. Sanka, un rasta au visage solaire émerge de la couette, les dreadlocks en bataille. Il roule sa première cigarette et sort de l'igloo, pieds nus. Il se présente: "41 ans, né à Madagascar, naturalisé français, dans la rue depuis 2000".

Sanka a pris ses quartiers d'hiver -- particulièrement pluvieux et froid cette année -- sur une allée proche de la Garonne, à l'abri des regards "et des courants d'air".

Son nouveau domicile, baptisé "iglou" par son concepteur: un tunnel fermé de 1,20 m de large sur 2 mètres de long, haut de 90 cm, équipé de minuscules lucarnes et d'un couvercle à chaque bout.

"Ça garde bien la chaleur, c'est sec quand il pleut. Ça fait comme une coque de bateau, t'as plus de place que la tente, tu le démontes vite fait", résume-t-il. "T'as ton p'tit mètre carré, tranquille. Pas comme au centre d'hébergement, là-bas ça daille ("ça craint", en argot bordelais)".

Bébel, 55 ans, ami de Sanka et lui aussi utilisateur en alternance de ce prototype d'iglou, est globalement satisfait mais propose quelques améliorations: "faut juste des poches pour les affaires et un trou plus gros pour la lumière".

Ce refuge original a été imaginé et fabriqué par Geoffroy de Reynal, un ingénieur bordelais de 26 ans spécialisé dans les énergies renouvelables.

Un abri tout aussi écologique qu'isolant. La coque est en polyéthylène standard, un "matériau recyclable à l'infini" selon lui, et l'intérieur est tapissé du sol au plafond d'une feuille d'aluminium qui présente le double avantage de résister au feu et de réfléchir la chaleur humaine. Ce qui permet en théorie de "gagner 15 degrés par rapport à la température extérieure, pour une seule personne".

Dix prototypes sont testés depuis mi-décembre dans l'agglomération bordelaise et dix autres ont fait le voyage en fourgonnette jusqu'à Paris. Dans les prochains jours, qui s'annoncent polaires, ils doivent y être répartis entre différents sans-abris, entre Bois de Vincennes et centre-ville.

- Du Monténégro à Bordeaux -

L'idée de l'igloo synthétique a germé en janvier 2017. A son retour d'une mission au Monténégro, Geoffroy est "d'autant plus choqué par la vision de tant de SDF en France qu'il vient d'un pays où on n'en voit pas". Il imagine alors un abri étanche, léger (10kg), facile à fabriquer et à transporter, pour les sans abri nomades comme Sanka. "Plié, l'iglou n'est pas plus encombrant qu'un matelas. Et on réfléchit même à y ajouter des roulettes", précise l'ingénieur.

Une campagne de financement participatif sur internet lui a permis de collecter 18.000 euros en quelques mois pour acheter les matériaux isolants nécessaires.

D'abord sur sa terrasse, puis dans un hangar prêté, il a fabriqué, seul, les dix premiers prototypes, installés en plein air ou dans des squats non chauffés de l'agglomération bordelaise grâce au soutien logistique de Médecins du Monde.

Geoffroy réfléchit maintenant à des modules plus grands capables d'accueillir familles et animaux.

Il refuse catégoriquement pour l'instant de divulguer le coût de ses réalisations mais espère pouvoir commencer prochainement "la phase d'industrialisation pour la France" et peut-être, à terme, l'étranger.

L'ingénieur dit avoir reçu quelques "retours encourageants" de collectivités et l'initiative bordelaise est déjà relayée à Paris par l'association Action Froid qui compte l'étendre à une vingtaine de villes.

Son président Laurent Eyzat balaie "tous les arguments périphériques" sur l'esthétique ou le danger d'institutionnaliser la précarité dans les rues. "L'esthétique, on s'en fout! Notre priorité, à nous, c'est d'institutionnaliser la vie des sans-abri dans les situations d'urgence".

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