Dans un consensus rare, les élus américains s'attaquent à la crise des prisons

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Par Charlotte PLANTIVE - Washington (AFP)
Publié le 19 décembre 2018 - 20:17
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Le complexe pénitencier de Rikers Island à New York, photographié en janvier 2018.
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© JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Le complexe pénitencier de Rikers Island à New York, photographié en janvier 2018.
© JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP

Pour une fois, les querelles politiques sont enterrées: républicains et démocrates sont en passe d'adopter, avec le blanc-seing du président Donald Trump, une réforme de la justice pénale qui vise à désengorger les prisons surpeuplées des Etats-Unis.

Les sénateurs ont voté mardi soir à une majorité écrasante, avec 87 voix contre 12, le projet de loi "First Step Act", qui comme son nom l'indique n'est qu'un "premier pas" pour tenter de résoudre la crise aiguë du système carcéral américain.

La Chambre des représentants devrait l'adopter à son tour d'ici la fin de la semaine et le président Trump s'est dit "impatient" de signer cette réforme qu'il a qualifiée "d'historique".

Sa portée est en fait relativement modeste, puisque la réforme ne concerne que les 180.000 personnes détenues dans les prisons fédérales, sur les plus de 2,1 millions de détenus du pays.

Le caractère historique de la réforme tient surtout dans l'éventail de ses soutiens, qui vont des défenseurs des droits humains à des milliardaires donateurs du parti républicain, en passant par le gendre du président Jared Kushner.

Ce consensus reflète la prise de conscience des coûts humains et financiers des politiques ultra-répressives adoptées depuis 1980 pour lutter contre le trafic de drogue.

En 40 ans, la population carcérale a quadruplé. Et le taux d'incarcération aux Etats-Unis bat désormais tous les records mondiaux, avec 710 détenus pour 100.000 habitants, contre 147 au Royaume-Uni ou 98 en France par exemple.

Le pays dépense chaque année 80 milliards de dollars dans son système carcéral, selon des statistiques officielles.

- "Pas parfait, loin de là" -

La réforme en cours d'adoption prévoit surtout une refonte du système des peines plancher.

Aujourd'hui, une troisième condamnation pour un crime violent ou pour trafic de drogues entraîne automatiquement une condamnation à perpétuité. La nouvelle mouture ramène cette peine à 25 ans.

Les juges auront aussi plus de latitude pour déterminer les peines pour les délits mineurs.

La réforme prévoit également de rendre rétroactive une loi de 2010, qui a harmonisé les peines pour trafic de crack et trafic de cocaïne en poudre. Auparavant, les peines étaient beaucoup plus lourdes dans les dossiers de crack, une drogue moins chère qui a surtout ravagé les quartiers noirs et déshérités.

Selon le Marshall Project, 2.600 prisonniers condamnés avant 2010 pour des affaires de crack pourront, une fois la réforme adoptée, immédiatement demander à être libérés.

Le texte de loi améliore également les libérations anticipées pour bonne conduite. 4.000 détenus pourraient être rapidement concernés, selon cette ONG spécialisée dans les questions de justice pénale.

Le projet met enfin l'accent sur des programmes de réinsertion, limite le confinement des mineurs et améliore les conditions de détention des femmes.

"Le First Step Act n'est pas parfait, loin de là. Mais nous sommes confrontés à une crise avec des incarcérations massives, et il est temps d'agir", a réagi la puissante association de défense des droits civiques ACLU.

- Père en prison -

Depuis dix ans environ, des mesures ont été prises pour tenter de désengorger les prisons, notamment au niveau des Etats, démocrates comme républicains.

Mais au niveau fédéral, le président démocrate Barack Obama n'avait pas réussi à obtenir les soutiens pour une réforme conséquente.

La réforme actuelle, portée par des parlementaires des deux partis, faisait face aux résistances de certains conservateurs soucieux de ne pas paraître laxistes.

A la mi-novembre, Donald Trump a fait basculer la balance en l'appuyant publiquement.

"Nous nous portons tous mieux quand les anciens détenus peuvent entrer à nouveau dans la société comme des citoyens respectueux de la loi et productifs", avait-il expliqué, opérant un virage marqué par rapport à son discours de campagne axé sur le "tout répressif".

Ce revirement, juste après les élections de mi-mandat qui lui ont fait perdre le contrôle de la Chambre des représentants, avait été vu comme un geste symbolisant sa volonté de travailler avec les démocrates, malgré l'aigreur des échanges entre les deux camps.

Le président a peut-être été influencé par son gendre et conseiller Jared Kushner, qui est allé sur les plateaux de télévision défendre la réforme. Le mari d'Ivanka Trump s'est dit sensible à la question car son père, Charles Kushner, a passé un an dans une prison fédérale pour des malversations fiscales.

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