Le foot irakien prêt à tout pour gagner, même à frauder

Auteur:
 
Par Khalil JALIL - Bagdad (AFP)
Publié le 05 août 2018 - 15:06
Image
Des supporters irakiens lors d'un match face au Qatar le 21 mars 2018
Crédits
© KARIM JAAFAR / AFP/Archives
Des supporters irakiens lors d'un match face au Qatar le 21 mars 2018
© KARIM JAAFAR / AFP/Archives

Des joueurs ont été interdits de voyager, des cadres limogés et l'équipe olympique vient de se retirer des Jeux asiatiques: le foot irakien paye le prix des fraudes, devenues monnaie courante "pour gagner coûte que coûte".

Il y a près de cinq mois, la Fifa accordait un nouveau souffle à l'Irak en l'autorisant à organiser des matches internationaux officiels sur son sol. Cela n'était plus arrivé depuis trois décennies en raison des violences qui ensanglantaient le pays.

Mais aujourd'hui, des scandales en cascade pourraient tout remettre en cause, préviennent sportifs et encadrants qui voient depuis des années la triche gagner du terrain face aux autorités, dépassées ou qui préfèrent fermer les yeux pour gagner.

Le premier séisme a eu lieu le 30 juillet, quand neuf joueurs de l'équipe des moins de 16 ans ont été interdits de décoller pour le Championnat d'Asie de l'Ouest en Jordanie.

Ils avaient maquillé leurs passeports pour se rajeunir. Depuis des semaines déjà, des militants anti-fraude avaient publié sur internet des preuves qu'ils avaient voté et qu'ils avaient donc plus de 18 ans.

Pour éviter les 30.000 dollars d'amende imposés pour non-participation, l'équipe des moins de 14 ans est partie à leur place.

- 100.000 dollars d'amende -

Deux jours plus tard, l'équipe olympique des moins de 23 ans a préféré ne pas prendre le risque de décoller pour Jakarta, quitte à payer une amende de 100.000 dollars au Comité olympique asiatique et à se voir interdite des prochains Jeux.

Là aussi, des militants qui dénoncent depuis des années des fraudes avérées assurent que 17 joueurs -sur 23- ont triché sur leur âge.

Quant à l'équipe des moins de 19 ans, attendue à l'automne en Indonésie pour les qualifications asiatiques au Mondial, elle a été dissoute et ne sera reformée qu'une fois les papiers d'identité de tous les joueurs passés au crible, assurent ses cadres.

Les instances du sport irakien tentent de circonscrire la crise en annonçant des vérifications et en assurant ne pas avoir soupçonné de tels ravages.

Mais "les gens qui suivent le foot irakien savent très bien pourquoi l'Irak s'est retiré des Jeux asiatiques", affirme à l'AFP Hassan Ahmed, entraîneur du club de première ligue al-Naft. "C'est par peur qu'un deuxième scandale éclate après celui des moins de 16 ans."

Il réfute d'ailleurs vigoureusement les excuses avancées dans le communiqué officiel de la Fédération, qui affirme se retirer des Jeux à cause de l'indisponibilité de joueurs retenus par leurs clubs, notamment al-Naft.

Aujourd'hui, le scandale dépasse les frontières de l'Irak, assure M. Ahmed et "les équipes qui rencontrent les Irakiens dans les championnats junior commencent à se rendre compte de l'âge des joueurs".

- "Culture de la triche" -

Car pour Karim Saddam, l'une des légendes du foot irakien, cela fait des années que "la Fédération essaye par tous les moyens de faire gagner les équipes irakiennes pour porter ces victoires à son crédit".

Pour cela, accuse-t-il, elle "ferme les yeux sur la participation à des compétitions de joueurs dont les âges sont trafiqués".

Et si la Fédération cherche tant à engranger les succès, poursuit celui qui a porté les couleurs de l'Irak au Mondial-86 au Mexique, c'est parce qu'elle est isolée.

En conflit notoire avec le ministère de la Jeunesse et des Sports avec lequel elle se dispute les revenus de la billetterie des stades, la Fédération est également boycottée par les grandes figures du foot, assure Karim Saddam.

Au-delà des bisbilles internes, pour le journaliste sportif Zidane al-Roubaïe, la fraude dans le foot n'est qu'une des facettes de "la culture répandue de la triche" dans un pays où il a fallu trouver des combines pour contourner pendant 12 ans l'embargo international puis, après la chute de Saddam Hussein, pour survivre aux violences confessionnelles et aux jihadistes.

Pendant des années, des milliers d'Irakiens ont falsifié leur passeport pour modifier une religion, une région d'origine ou un nom, qui pouvaient coûter cher s'ils étaient découverts par des groupes armés.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Bezos
Jeff Bezos : le Lex Luthor de Seattle veut devenir le Dark Vador de l’univers
PORTRAIT CRACHE - S’il se fait plus discret que certains de ses compères milliardaires, Jeff Bezos n’en garde pas moins les mêmes manies, les mêmes penchants et surtou...
04 mai 2024 - 13:17
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.