Leurs maisons détruites, les Syriens de Raqa forcés de rester dans des camps

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Par Delil SOULEIMAN - Ain Issa (Syrie) (AFP)
Publié le 19 octobre 2018 - 13:46
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Des déplacés syriens le 17 octobre 2018 dans le camp d'Ain Issa, au nord de Raqa, ville syrienne d'où ont été délogés en octobre 2017 les jihadistes du groupe Etat islamique (EI)
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© Delil souleiman / AFP
Des déplacés syriens le 17 octobre 2018 dans le camp d'Ain Issa, au nord de Raqa, ville syrienne d'où ont été délogés en octobre 2017 les jihadistes du groupe Etat islamique (EI)
© Delil souleiman / AFP

Avant l'hiver, hommes et femmes consolident leurs tentes dans un camp de déplacés du nord syrien. Pour ces familles de Raqa, impossible d'envisager le retour dans une ville où ils ont tout perdu, même un an après le départ du groupe Etat islamique (EI).

Des dizaines de milliers d'habitants de Raqa n'ont eu d'autre choix que de s'entasser dans ces camps de fortune alors qu'ils fuyaient les combats meurtriers ayant permis à une coalition arabo-kurde de déloger les jihadistes de leur ancien fief syrien, en octobre 2017.

Même si une partie de la population est désormais retournée à Raqa, le camp d'Ain Issa, situé au nord de la ville, ne désemplit pas.

Après la chute de l'EI, Batoul Sbaka est rentrée inspecter son quartier. "Quand j'ai vu ma maison détruite, j'ai hurlé. Elle comportait deux pièces et une cuisine, et tout a été détruit", se souvient cette mère de 32 ans.

"Si on le pouvait, on ne resterait pas dans le camp", affirme-t-elle, un foulard noir décoré de fleurs roses couvrant ses cheveux. "Mais on n'a pas les moyens de reconstruire notre maison".

Autour d'elle, les tentes blanches et bleues s'alignent, parfois agrandies par les familles à l'aide de draps et de couvertures.

- "Surtout, s'abriter" -

Armée d'une pelle, une femme dispose de la terre sur les bords de sa tente pour la protéger des infiltrations de pluie.

Un peu plus loin, un jeune homme tente lui aussi de consolider son abri, qui s'est en partie écroulé à cause d'une tempête de sable. Ailleurs, une mère fait la lessive dans une grande bassine, avant de mettre le linge à sécher sur les cordes de sa tente.

"Au moins, ici, on a du pain et de l'eau. Et surtout, une tente pour s'abriter", dit Mme Sbaka.

Selon Amnesty International, 80% de la ville de Raqa est rasée, y compris des écoles et des hôpitaux. Quelque 30.000 maisons sont totalement détruites et 25.000 partiellement, a indiqué l'ONG.

Au total, 13.000 déplacés vivent toujours dans le camp d'Ain Issa, dont 4.000 sont venus de Raqa, selon un responsable du camp, Jalal al-Ayaf. Les autres sont arrivés de régions de l'est de la Syrie en guerre.

"Certaines personnes sont allées (à Raqa) mais ont trouvé leurs maisons détruites. Et comme elles n'ont pas les moyens (de reconstruire), elles sont revenues", explique-t-il.

A la périphérie du camp, des enfants jouent sur des balançoires et d'autres sont installés dans des tentes transformées en salles de classe. Non loin, certains attendent une distribution de cahiers et de crayons, tandis que des femmes s'attardent devant les étals pour acheter des provisions.

- Vivre en sécurité -

Assis sur une chaise roulante, Machhour al-Maajoun est découragé. En l'absence de suivi médical et de soins adéquats, ce diabétique de 73 ans a été amputé des deux jambes et a perdu la vue.

"On n'a nulle part où aller. Le camp est notre seul abri", lâche-t-il.

Son épouse partage sa peine. "On ne veut pas vivre dans ce camp, mais comment pourrions-nous vivre dans une maison détruite?", s'interroge-t-elle.

Avec l'hiver qui approche, le responsable du camp ne cache pas son inquiétude.

"Les ONG ne nous donnent plus rien, ni paniers de nourriture, ni produits hygiéniques", déplore M. Ayaf. "Et il y a des tentes usées".

Si, selon l'ONU, plus de 150.000 personnes sont retournées à Raqa depuis la défaite de l'EI, certains hésitent à emprunter le même chemin, pour des raisons sécuritaires.

Avec ses trois enfants, Moustafa Aboud ne se voit pas rentrer dans une ville où l'EI a enfoui un océan de mines avant son départ, et où ses cellules dormantes continuent de perpétrer des attaques.

"On a cru que tout irait bien après la libération de la ville. Mais ce n'est plus le Raqa qu'on connaît", regrette ce père de 31 ans. "On veut juste vivre en sécurité. Et le camp aujourd'hui, c'est plus sûr que Raqa".

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