"Une nouvelle pierre à l'édifice" contre les aliments "ultratransformés"

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Par Ivan Couronne - Washington (AFP)
Publié le 11 février 2019 - 18:01
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Rayon surgelés et sodas d'un supermarché de Monterey Park, en Californie, le 18 juin 2014
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© FREDERIC J. BROWN / AFP
Rayon surgelés et sodas d'un supermarché de Monterey Park, en Californie, le 18 juin 2014
© FREDERIC J. BROWN / AFP

Des chercheurs français ont publié lundi une grande étude sur les plats préparés et autres aliments ultratransformés et la santé, et préviennent d'emblée: elle ne prouve pas de lien de cause à effet.

Des aliments sont considérés ultratransformés, selon la classification "Nova", quand ils ont subi des procédés industriels de transformation et contiennent de nombreux ingrédients, notamment des additifs. Un plat préparé, sans additifs, congelé ou pas, n'en fait pas partie... Mais les plats prêts à réchauffer, les sodas et les snacks en général en font partie. Ils sont plus riches en sel ou en sucre et pauvres en vitamines et en fibres.

La nouvelle étude, portant sur des dizaines de milliers de Français suivis de 2009 à 2017, a observé un lien modeste entre la consommation d'aliments ultratransformés et le risque de décès pendant la période. Les résultats ont été publiés dans la revue de l'Association médicale américaine (Jama Internal Medicine).

"Il ne faut pas être alarmiste pour le public et dire qu'en mangeant un plat préparé on a un risque supplémentaire de 15% de mourir", dit à l'AFP Mathilde Touvier, directrice de l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l'université Paris 13, qui gère la grande étude NutriNet-Santé avec des chercheurs de trois autres institutions (Inserm, Inra et CNAM).

"C'est une nouvelle pierre à l'édifice dans les recherches sur les liens entre aliments ultratransformés et la santé", dit-elle.

Etudier les effets de l'alimentation est extrêmement complexe et controversé, et les résultats sont souvent mal interprétés.

La même équipe française a publié l'an dernier une étude sur la nourriture bio et le risque de cancer. Un plus grand nombre de cancers avait été observé chez les personnes mangeant moins de bio, mais là encore, la méthodologie ne permettait pas de conclure de lien de causalité... Ce qui n'avait pas empêché de nombreux médias de titrer sans précaution sur les bienfaits du bio contre le cancer.

45.000 Français de plus de 45 ans, en majorité des femmes, ont participé à la nouvelle étude. Tous les six mois, ils devaient enregistrer sur un questionnaire en ligne tout ce qu'ils avaient mangé et bu pendant trois périodes de 24 heures.

Au bout de sept ans, environ 600 personnes étaient décédées. Les chercheurs ont ensuite décortiqué les données et se sont aperçus qu'une augmentation de 10% de la proportion d'aliments ultratransformés dans l'alimentation correspondait à une augmentation de 15% de la mortalité.

Mais Mathilde Touvier avertit qu'il ne faut pas se focaliser sur le chiffre, ce qui compte est l'existence d'un lien statistiquement significatif. Et l'étude doit être interprétée dans un ensemble de travaux.

- Des hypothèses -

L'an dernier, les chercheurs français avaient publié des résultats, toujours tirés de l'étude NutriNet-Santé, observant un plus grand nombre de cancers chez les gros consommateurs de ces aliments.

Comme il n'est pas possible, pour des raisons éthiques, de faire une expérience où on ferait manger ces aliments à une partie de la population mais pas à une autre, les études "observationnelles" sont la seule solution.

Il y a forcément des défauts: les gens sont plus ou moins précis dans le questionnaire auto-administré; et de nombreux autres facteurs "invisibles" peuvent ne pas être pris en compte, même si les résultats sont ajustés par plusieurs critères socio-démographiques et la qualité générale de l'alimentation.

Reste à répondre à la question fondamentale: pourquoi?

Parmi les hypothèses énumérées par les chercheurs: les additifs. Leur effet est étudié en laboratoire, sur des cellules et sur des rats, notamment dans un laboratoire de l'Institut national de la recherche agronomique.

L'étude de lundi est "un apport important à la littérature", dit à l'AFP Casey Rebholz, professeure d'épidémiologie à l'université américaine Johns Hopkins, qui note que la méthodologie est de bonne qualité, malgré les limites inhérentes aux études de ce type.

D'autres experts insistaient au contraire sur ces limites.

Le professeur Julian Cooper, de l'Institute of Food Science and Technology, critique le regroupement de nombreux aliments sous un terme "très imprécis et source de confusion".

Il souligne aussi l'importance d'additifs comme les conservateurs, qui "permettent de garder les aliments dans de bonnes conditions, ce qui réduit le gaspillage tout en conservant la qualité nutritionnelle".

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