"Antisystème" mais aussi antisémite, l'ultradroite veut "aiguillonner les gilets jaunes"

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Par Guillaume DECAMME - Rungis (France) (AFP)
Publié le 19 janvier 2019 - 22:57
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Manifestation de "gilets jaunes" au pied de l'Arc de Triophe, à Paris, le 12 janvier 2019
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© Thomas SAMSON / AFP/Archives
Manifestation de "gilets jaunes" au pied de l'Arc de Triophe, à Paris, le 12 janvier 2019
© Thomas SAMSON / AFP/Archives

Eux aussi ont battu le pavé chaque samedi depuis deux mois: des ténors de l'ultradroite veulent "aiguillonner les +gilets jaunes+" pour "abattre le système", un projet qui trouve un écho mitigé pour cause d'antisémitisme affiché par certains.

Pour jauger l'ampleur de ses troupes, Yvan Benedetti, ancien patron de l'Oeuvre française, un groupuscule pétainiste dissous et "gilet jaune de la première heure", a convié quatre orateurs à une "réunion" samedi dans une salle de Rungis (Val-de-Marne), au moment où 84.000 protestataires défilaient en France dans le cadre de l'acte 10 du mouvement.

Et à l'applaudimètre, l'essayiste d'extrême droite Alain Soral l'emporte. "Soral ! Soral !", scandent les 500 personnes venues l'écouter lui, mais aussi l'écrivain antisémite Hervé Ryssen, un membre du groupuscule monarchiste Action française et Jérôme Bourbon, directeur de l'hebdomadaire d'extrême droite "Rivarol".

Jeudi, le tribunal correctionnel de Bobigny condamnait Alain Soral à un an de prison ferme pour avoir injurié une magistrate et tenu des propos antisémites sur son site internet. Il y avait notamment écrit: "Les juifs sont manipulateurs, dominateurs et haineux".

Mais samedi, Alain Soral est venu encenser les "gilets jaunes", un mouvement qui incarne "la droite des valeurs et la gauche du travail. C'est l'alliance de la classe moyenne et du prolétariat". Il juge que les protestataires, qui réclament plus de pouvoir d'achat et de peser davantage dans le débat, "valident (son) combat".

Dans l'assistance, Laurent (prénom modifié), manutentionnaire, acquiesce: "Je suis +gilet jaune+ depuis le début. Franchement, j'en peux plus de Macron et de ses amis de la finance cosmopolite".

A ses côtés, beaucoup d'hommes, quelques femmes. Un militant de l'Action française porte un gilet jaune sur lequel est écrit "Vive le Roy !". Le public applaudit lorsqu'Alain Soral assure que "les +gilets jaunes+ ont mis à bas le national-sionisme" ou quand Jérôme Bourbon fustige le "dogme holocaustique (sic)".

Yvan Benedetti, lui, jubile: "Avec les +gilets jaunes+ on assiste à l'effondrement de la croyance dans la société de consommation". Mais il affirme ne pas vouloir récupérer le mouvement. Il entend l'"aiguillonner".

- "L'antisémitisme, produit culturel" -

Mais cette ultradroite, qui honnit Marine Le Pen pour sa "soumission au système", peut-elle trouver un écho chez les "gilets jaunes" ?

Dans les cortèges parisiens notamment, certains manifestants ont fait "la quenelle", un geste créé par Dieudonné, vu par ses détracteurs comme un salut nazi inversé, comme un geste antisystème par les partisans du polémiste plusieurs fois condamné.

D'autres "gilets jaunes" vilipendent aussi bien "le système" que "la finance mondiale".

Autant de propos que tiennent volontiers les ténors de l'ultradroite qui développent un "discours sur l'illégitimité du pouvoir, un pouvoir qui serait aux mains des tireurs de ficelles que peuvent être selon eux les francs-maçons ou la finance internationale", note le politologue Jean-Yves Camus.

"Avec les +gilets jaunes+, il y a donc quelque chose qui peut donner un peu d'oxygène" à l'ultradroite, dit-il.

Mais pour l'historien des droites extrêmes Nicolas Lebourg, l'ultradroite française rebute par l'antisémitisme professé par certains. A l'instar d'Hervé Ryssen qui l'an dernier a été condamné à un an de prison pour des messages antisémites dans une vidéo diffusée sur YouTube.

"En France, l'antisémitisme est un produit culturel", explique Nicolas Lebourg, en citant le succès des spectacles de Dieudonné. "Ca n'est pas un produit politique: dès qu'un candidat (à une élection) a quelque chose qui évoque l'antisémitisme dans son CV, on sait qu'il est carbonisé".

En outre, l'ultradroite fait face à sa propre fragmentation. "On a là une affiche unitaire avec Benedetti, Soral, Ryssen etc, alors on se dit: +Mon dieu, c'est l'unité!+, mais c'est l'unité d'infra-groupuscules".

Citant des rapports de police récents, il avance le chiffre de 3.000 militants d'ultradroite en France.

Preuve que l'ultradroite reçoit un accueil mitigé des "gilets jaunes": cette vidéo tournée à la fin de l'acte 9 à Paris par la société de production Premières Lignes. Des hommes lancent "Dieudonné président !", avant de se dire "judéophobes mais pas antisémites".

Outré, un "gilet jaune" s'interpose et appelle à les "sortir du mouvement".

Quelques jours après cette scène, ce "gilet jaune", Benjamin Belaidi, assure à l'AFP qu'"on ne peut pas tolérer ces propos chez nous".

"C'est important d'occuper le terrain et de nettoyer nos rangs", affirme-t-il.

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