Assistants d’eurodéputés : des témoignages affaiblissent la défense du Front national

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Par AFP
Publié le 22 juillet 2017 - 20:45
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La présidente du FN Marine Le Pen lors des questions au gouvernement, le 12 juillet 2017 à l'Assembl
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© ALAIN JOCARD / AFP/Archives
La présidente du FN Marine Le Pen lors des questions au gouvernement, le 12 juillet 2017 à l'Assemblée
© ALAIN JOCARD / AFP/Archives

Des auditions apportent un nouvel éclairage sur un possible "système" du FN pour se financer sur des fonds européens, alors que le parti conteste plus que jamais l'idée d'emplois fictifs d'assistants d'eurodéputés du parti d'extrême droite.

Le 29 juin devant les juges, l'un de ces assistants mis en examen, Charles Hourcade, graphiste au FN depuis septembre 2013, a raconté le jour où il est devenu assistant parlementaire sur un "coup de fil", à la demande du trésorier du FN Wallerand de Saint-Just. "J'ai été mis devant le fait accompli", a-t-il expliqué, selon l'une de ces auditions dont a eu connaissance l'AFP.

L’eurodéputée Marie-Christine Boutonnet "m'a dit que désormais je dépendais d'elle". Mais le graphiste admet qu'il n'a réalisé "aucune" tâche pour elle durant son contrat, de septembre 2014 à fin février 2015, sous le statut d'assistant local, c’est-à-dire exerçant dans l’Etat membre du député. En six mois, ils ne se parleront jamais au téléphone.

L'élue évoque bien la création d'un site internet et d'un magazine, mais "en attendant", lui "demande" de "travailler pour le pôle communication" du FN, "sous les ordres" de Florian Philippot à Nanterre, le siège du parti, où il va poursuivre le travail qu'il faisait comme salarié du parti. Les projets éditoriaux de la députée ne verront pas le jour.

Le jour de sa mise en examen, Mme Boutonnet a admis avoir mis M. Hourcade "à disposition du FN" pour "aider" le parti, ce qui ne lui "a pas paru incompatible", selon la déclaration qu'elle a transmise aux juges le 20 juin. "M. Hourcade n'avait pas de travail car je n'avais pas de travail à lui donner", a-t-elle avancé.

Lorsque les assistants "n'étaient pas strictement occupés à des tâches parlementaires, ils pouvaient à la demande de leur député travailler pour le parti", a fait valoir Marine Le Pen le 30 juin devant les juges. Mise en examen pour abus de confiance et complicité d'abus de confiance, elle conteste les faits.

Le parti veut désormais porter le débat sur "une question de principe", l'autonomie du député: ni la justice, ni l’administration européenne n'auraient à se mêler du contenu du travail de parlementaire, selon la présidente du FN.

A ce stade, l'enquête a abouti à six mises en examen, dont celles récentes de deux assistants, Loup Viallet et Laurent Salles, pour recel d'abus de confiance.

- 'Notion de discipline' -

Plusieurs témoins affirment qu'après les élections européennes de 2014, Marine Le Pen a demandé aux eurodéputés, lors d'une réunion le 4 juin, qu'ils embauchent chacun au moins un assistant pour le parti. Deux députés dont Aymeric Chauprade, en rupture avec le parti, refuseront. Devant les enquêteurs, il évoque "la notion de discipline" régnant au sein du parti. Selon lui, les "décisionnaires de ce système" ont pu abuser "de la confiance d'élus soumis, obéissants".

Dans l'organisation de ces contrats, un nom revient souvent: Charles Van Houtte, considéré comme la "cheville ouvrière", "le lien entre Nanterre et le parlement européen", a affirmé un assistant parlementaire à l’office anticorruption de la PJ. Les concepteurs? "Marine le Pen et Wallerand de Saint-Just", selon lui.

Parmi les indices accumulés, les enquêteurs disposent d’un tableau suggérant la ventilation des assistants parlementaires sur les différents budgets disponibles des élus. Ce document est apparu dans un courriel du 25 septembre 2014 adressé par Van Houtte notamment à Catherine Griset, cheffe de cabinet et assistante parlementaire de Marine Le Pen.

Le Parlement a récemment évalué son préjudice à 5 millions d'euros sur 2012-2017. Son président de l'époque, le socialiste Martin Schulz, avait saisi la justice française en mars 2015 après le constat que des assistants d'eurodéputés apparaissaient dans l'organigramme du parti.

Les enquêteurs planchent depuis sur les cas de 17 eurodéputés et d'une quarantaine d'assistants, notamment pour les années 2009-2016, au moment où le parti cherchait à se financer pour faire face à ses ambitions électorales.

Le témoignage d'un ancien eurodéputé de 2004 à 2009, brouillé avec le parti, suggère que le "système" était déjà enraciné du temps où il était dirigé par sa figure historique, également eurodéputé. "C'est Jean-Marie Le Pen qui affectait les assistants sur les enveloppes des députés européens", a-t-il raconté. S'agissant de ses collaborateurs: "Je n'ai pas eu mon mot à dire."

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