"C'est moi qui ai fait ça" : la fierté des ouvriers du Grand Paris Express

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Par AFP
Publié le 07 juillet 2017 - 12:07
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Travaux dans la métro de Paris, le 25 janvier 2017
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© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP/Archives
Travaux dans le métro de Paris, le 25 janvier 2017
© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP/Archives

"Quand je prendrai le métro je pourrai dire: +c'est moi qui ai fait ça+". Doua n'est pas peu fier de creuser l'un des tunnels du Grand Paris Express, le plus gros chantier d'infrastructures d'Europe, et de faire revivre le métier disparu de "mineur-boiseur".

Après une formation en maintenance industrielle et quelques boulots de peinture et de démolition, ce jeune homme de 22 ans a trouvé sa voie: il termine sa formation et travaillera bientôt sur le chantier du prolongement de la ligne de métro 14, pour l'entreprise de travaux publics NGE.

En deux mois, il a appris à creuser un puits et une galerie et à les étayer au moyen de cintres d'acier et de planches de bois ou de tôles métalliques. Et ce à l'ancienne, à la pelle et au marteau-piqueur, dans une terre argileuse, meuble et très humide, souvent inondée par la nappe phréatique toute proche.

"C'est très, très physique: il ne faut pas être taillé dans une allumette dans le sens de la longueur", plaisante Philippe Fontaine, responsable du centre de formation Afor TP à Montreuil.

Ici, on forme "du mineur traditionnel", comme dans les mines de charbon de Lorraine ou du Nord-Pas-de-Calais - un métier aujourd'hui disparu.

Après avoir "vu des vidéos", Doua s'est dit "Pourquoi pas moi?". "Ca m'intéresse de faire un boulot que faisaient nos ancêtres. Tu gardes la forme, tu descends au fond et en ressortant tu es sale, ça me plait", dit-il à l'AFP.

"Et, quand je prendrai le métro, je pourrai dire: +c'est moi qui ai fait ça+", ajoute-t-il avec fierté.

- "Pas des Bisounours" -

Plus gros chantier d'infrastructures en Europe, deux fois plus important que le Crossrail de Londres, avec 25 milliards d'euros d'investissements en dix à quinze ans, le Grand Paris Express va ajouter quatre nouvelles lignes de métro automatiques autour de la capitale, numérotées de 15 à 18, aux 14 existantes.

Cela représente 200 km de tunnels à creuser dans des sols réputés très complexes au plan géologique. A plein régime, ce chantier occupera 15.000 emplois et une dizaine de tunneliers creuseront simultanément les sous-sols de la capitale.

Mais, sur un kilomètre de tunnel, environ 10% devront être creusés manuellement: des galeries reliant les tunnels entre eux, des niches de secours, des escaliers, etc.

Ce travail nécessite de "ne pas être claustrophobe: on travaille souvent loin du ciel". "Il faut surtout avoir l'esprit d'équipe, parce que la sécurité est importante: à 40 mètres de profondeur, un accident est tout de suite plus sérieux", dit M Fontaine.

Parmi les 14 apprentis en formation, trois ont entre 40 et 50 ans et ont connu le chômage de longue durée, mais la plupart n'ont qu'une vingtaine d'années et découvrent les travaux de génie civil.

"Certains commencent à comprendre qu'ils ont des mains au bout des bras...et des doigts au bout des mains ! Ils n'ont jamais tenu un marteau de leur vie" ironise le formateur Philippe Duchereau.

"Ils laissent tout trainer", se désole-t-il, en découvrant un râteau abandonné sur le sol.

Quelques-uns de ces jeunes, en rupture sociale et familiale, ont une histoire "compliquée". James, qui affiche un sourire rayonnant, a été incarcéré pendant trois ans après "des galères", dit-il sobrement.

"Avec ces jeunes, il faut reprendre toutes les bases de la discipline, de l'organisation, du travail, de l'éducation... Il faut être policier, leur papa et leur maman", confie M. Duchereau. Etre à l'heure, suivre les consignes, apprendre les gestes, ne pas venir en cours "en short ni en tongs"...

"On leur apprend à être sérieux et performants, parce que les chefs de chantier ne sont pas des Bisounours", dit Jean-Joseph Garcia, responsable de la formation chez NGE. "S'ils sont vaillants, assidus, on en fera toujours quelque chose".

D'ici 2022, le Grand Paris Express emploiera 300 à 400 mineurs-boiseurs par an, dont une centaine fraîchement formés.

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