Crise des migrants en Italie : droit du sang ou droit du sol ?

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Par AFP
Publié le 14 juillet 2017 - 19:10
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Des migrants secourus par un navire de Médecins sans Frontières arrivent au port de Salerne, au sud
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Des migrants secourus par un navire de Médecins sans Frontières arrivent au port de Salerne, au sud de Naples (Italie), le 14 juillet 2017
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Faut-il accorder la nationalité italienne à un enfant né sur le territoire, de parents étrangers ? Un projet de loi visant à appliquer le droit du sol fait l'objet d'âpres débats en Italie alors que le pays fait face à un afflux de migrants sans précédent.

Un sondage publié jeudi révèle que 53,1% des Italiens se disent opposés au "ius soli" (droit du sol) contre 32,3% qui sont pour. Pourtant, ils étaient 41% à y être favorables (39% contre) dans un sondage équivalent réalisé en octobre.

Un revirement de l'opinion lié à une plus grande connaissance du sujet par les Italiens ainsi qu'à un contexte d'arrivées de plus en plus massives de migrants sur les côtes italiennes, explique le quotidien romain Il Messagero, qui a publié le sondage.

Débattue en Italie depuis une quinzaine d'années, la réforme du code de la nationalité vise à modifier la loi actuellement en vigueur basée sur le droit du sang ("ius sanguinis"), la nationalité italienne étant transmise par au moins l'un des deux parents.

Après avoir été adopté par les députés, un texte défendu par la gauche (au pouvoir) qui prévoit l'adoption d'un droit du sol est à présent au sénat où il suscite des débats houleux, émaillées d'insultes voire d'échauffourées, comme l'Italie en a le secret.

Le ius soli proposé, dit "tempéré", serait toutefois soumis à conditions, comme la néccessité qu'un des parents soit présent sur le territoire depuis au moins cinq ans ou que l'enfant accomplisse un cycle scolaire complet en Italie.

Vent debout contre cette loi, la droite avec à sa tête la Ligue du Nord (anti-immigration), considère qu'elle est "une erreur culturelle" et que les jeunes étrangers nés en Italie doivent décider à leur majorité s'ils veulent ou non être Italiens.

Opposé lui aussi au texte, l'ancien président du Conseil, Silvio Berlusconi (Forza Italia), estime qu'il est un "mauvais signal" alors que le pays est confronté à un afflux massif de migrants.

"Faire savoir qu'à partir d'aujourd'hui il est plus facile de devenir Italien va susciter des illusions et de faux espoirs en Afrique et rendra plus forte la pression migratoire", assure-t-il.

- Pas d'actualité -

L'Italie, qui se dit insuffisamment soutenue par l'Europe sur ce dossier, a accueilli plus d'un demi-million d'entre eux venus par la mer depuis 2014 dont 180.000, un nombre record, l'an passé.

Selon l'Institut italien de la statistique (Istat), l'adoption du droit du sol donnerait aujourd'hui la nationalité italienne à quelque 800.000 enfants nés dans la péninsule et à 60.000 petits immigrés chaque année.

"Les enfants nés en Italie sont Italiens et il est du devoir d'un pays civilisé de les accueillir", ne cesse de marteler le chef du gouvernement de centre-gauche, Paolo Gentiloni, ardemment soutenu par son prédécesseur Matteo Renzi. Ce dernier presse d'ailleurs pour que l'exécutif demande la confiance aux sénateurs sur le texte.

A la méfiance d'une partie de la population face au ius soli, Paolo Gentiloni répond que la nationalité donne des droits mais impose aussi des devoirs. "A ceux qui agitent le spectre des menaces à notre sécurité, je dis que le seul moyen pour contenir ces menaces et en réduire les risques n'est pas l'exclusion mais le dialogue et l'inclusion", a-t-il déclaré au quotidien La Repubblica.

Mais pour une majorité d'Italiens, ce débat n'est tout simplement pas d'actualité alors que le pays doit faire face à un taux de chômage de 11%, largement au-dessus de la moyenne de la zone euro (9,3%) - chez les 15-24 ans, il atteint même 37% - et que 8 millions d’entre eux vivent dans la précarité, selon les chiffres de l'Istat publiés cette semaine.

"Il ne s'agit pas de racisme", explique le Messaggero, dont le sondage montre qu'une majorité d'Italiens (42,9% contre 22,9%) jugent le moment mal choisi pour voter un tel texte et préfèrent qu'il soit confié au gouvernement qui sortira des urnes lors des élections législatives de 2018.

L’Italie est le premier pays européen pour le nombre de citoyennetés accordées (205.000 en 2016 contre 63.000 en 2012).

En légalisant le droit du sol, elle se rapprocherait de la majorité de ses voisins européens comme la France, la Belgique, la Grande-Bretagne ou le Portugal où cette règle s'applique, sous des formes variées.

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