A Granville, le carnaval dans la peau, distingué par l'Unesco

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Par AFP
Publié le 24 février 2017 - 14:05
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Fabrique de chars de carnaval à Granville, le 24 février 2017
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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Fabrique de chars de carnaval à Granville, le 24 février 2017.
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A Granville, des centaines d'accros au carnaval travaillent depuis des mois à la construction d'une quarantaine de gigantesques chars satiriques qui vont défiler dimanche: un savoir-faire populaire distingué fin 2016 par l'Unesco.

"On commence à chercher des idées en septembre. Et depuis janvier, on y travaille tous les jours, après ou avant le boulot. Pour nous, c'est comme une manifestation. Y a pas de CRS en face de nous, mais clairement on veut faire passer des messages. En l'occurrence, pas sûr que les principaux candidats à la présidence comprennent le mal être des Français", explique Christian Tancray, 47 ans, électromécanicien de profession, sculpteur de caricatures en polystyrène pour le char familial.

Autour de cet ex-camion benne de quatre tonnes, baptisé "Pokemon gouv, attrapons le bon" candidat, s'affairent une dizaine de personnes de 16 à 70 ans.

Les chars défilent dimanche pour une grande cavalcade, point d'orgue de festivités qui s'ouvrent vendredi soir pour quatre jours.

Derrière la cabine du camion reconvertie en Elysée de bois, les cinq candidats les plus connus à l'élection présidentielle sont caricaturés en personnage de Pokemon de deux à trois mètres de haut. Sur les côtés du char, des ados peignent un Macron cuisinier qui déclare: "Une pincée de marketing et c'est gagné".

Le camion, racheté 500 francs il y a 25 ans par le beau-père de M. Tancray, défile tous les ans sous des allures et des noms qui changent au gré de l'actualité comme "Radeau Hollande" en 2015, "ANPE City" en 2009.

Avec "humour", "le carnaval de Granville contribue à l’unité de la communauté. Les connaissances se transmettent au sein des familles et des comités" d'organisation, soulignait l'Unesco le 30 novembre en annonçant son classement au patrimoine immatériel de l'humanité.

Comme les Tancray, 400 à 500 bénévoles travaillent dans deux hangars, dans les mois qui précédent le carnaval, à la confection d'une quarantaine de chars satiriques pour une fête totalement gratuite.

"C'est un record en Europe", assure Antonina Julienne, présidente du comité d'organisation.

Le carnaval de Nice, par exemple, payant, compte 17 chars satiriques et 16 chars de fleurs, mais conçus par des professionnels sur une thématique fixée chaque année par la mairie.

- "frondeurs" pour "faire rire"-

"Nice c'est très beau, mais ici on fait ce qu'on veut. On est trop frondeurs pour se faire commander. Et c'est très important pour nous de faire rire", souligne Jean-Luc Letrouvé, 59 ans, et une quarantaine de carnavals à son actif.

Il sera à la barre des "Révoltés du Mairie-té", un char qui fait référence au voilier Marité, dont Granville est le port d'attache, et à la démission de 14 élus municipaux en janvier. Pour cette 143e édition, la plupart des chars font référence à cette actualité locale mouvementée.

Seul carnaval de France classé par l'Unesco, Granville affiche à chaque édition plus de 120.000 spectateurs, déguisés, contre un million sur deux semaines et trois week-ends à Nice. Les budgets diffèrent: 250.000 euros pour le port coquiller de 14.000 habitants, 6 millions pour Nice.

"On n'a pas de mérite à Granville. On est nés dedans. On fait avec les moyens du bord. On récupére beaucoup. On a des costumes et du bazar plein nos greniers. Les entreprises aussi sont prêtes à donner des matériaux voire des camions. Il y a un esprit carnaval granvillais", assure M. Letrouvé se souvenant avec fierté de son char "Requiem pour un franc" en 2001.

Au fil des ans, chacun se découvre soudeur, mécanicien, électricien, couturier.

"C'est très formateur", se félicite le technicien de maintenance Letrouvé.

"Quand j'ai sorti la tronçonneuse pour sculpter un (Pokémon) Pikachu dans le polystèrene. Mes proches ont eu peur pour moi", s'amuse Philippe Bouillon, patron-pêcheur de 52 ans, 51 carnaval à son actif.

Sa sculpture de deux à trois mètres de haut trône sur un char baptisé les "Copains d'abord" et qui arbore les photos des 14 démissionnaires de la mairie.

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