Hodler, Monet et Munch : éblouissement des sens au musée Marmottan
Hodler, Monet et Munch n'appartiennent pas aux mêmes courants artistiques. Ils ne sont même jamais rencontrés. Et pourtant des liens existent entre les trois peintres. Ces similitudes sont mises en lumière par l'exposition Hodler, Monet et Munch: Peindre l'impossible qui se tient jusqu'au 22 janvier 2017 au Musée Marmottan Monet à Paris. Contemporains, le Suisse, le Français et le Norvégien ont connu l'Europe avant et après la Seconde Guerre mondiale. Ils ont tous trois vécu les mutations techniques, sociales et politiques du Vieux Continent et ont profité de ces progrès pour découvrir le monde: Monet se rend en Norvège, Hodler escalade les Alpes tandis que Munch vagabonde en Europe. Fascinés par tous ces paysages qui se dévoilent à eux, les trois hommes n’auront de cesse d’essayer de reproduire la nature dans toute son intensité, s’inspirant de la science pour reproduire des sujets réputés impossibles à fixer sur une toile avec de simples couleurs. Mais que celui qui espérait en apprendre un peu plus sur chaque peintre dans son individualité passe son chemin, car l’exposition, par ailleurs un brin trop courte, ne s’attarde que sur leur démarche commune.
Comment peindre de face l’éclat du soleil avec de simples couleurs à l’huile sur une toile blanche? Munch manquera de s’aveugler à force d’heures passées à contempler l’astre dans les yeux pour essayer de le reproduire. Le résultat, sobrement intitulé Le Soleil, est éclatant. Egalement porté sur le sujet, Monet préfèrera éviter la confrontation, lui rendant hommage à des heures moins brûlantes (Impression, Soleil levant, Coucher de soleil à Etretat).
Autre question fondamentale qui tourmente les trois peintres: comment peindre la neige dont l’éclat et la blancheur évoluent à la moindre nuance de lumière? Hodler, Munch et Monet passeront des années à peindre la neige, tentant de capter au mieux sa densité changeante, ses différences d’épaisseur et les variations de ses luminosités. "Mes toiles sont préparées, je sais où je dois aller à différentes heures, si le temps le permet, car il y a des endroits que j’ai vus par temps gris qui ne sont pas faisables par soleil, tant la neige est brillante et aveuglante pour les yeux", écrit Monet lors de son voyage en Norvège à son épouse Alice en 1895. Le Français y passera deux mois à répéter indéfiniment le même motif, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige.
Et comment suggérer les mouvements et variations de la lumière sur l’eau en dépit de l’immobilité de la peinture? Obsédé par la thématique de l’eau, Monet y parviendra pour la première fois avec sa Barque. "J’ai repris encore des choses impossibles à faire: de l’eau avec de l’herbe qui ondule dans le fond… c’est admirable à voir, mais c’est à rendre fou de vouloir faire ça", dira alors, pas peu fier, celui qui, des années plus tard, atteindra son apogée en la matière avec ses Nymphéas. Mais si l’eau est un célèbre leitmotiv de Monet, Hodler et Munch s’y sont également frottés: La femme courageuse de l’un et les Vagues de l’autre parviennent elles aussi à suggérer avec force le mouvement, les courants et les reflets d’une mer impétueuse.
Pour finir, l’exposition aborde le thème des couleurs, prépondérantes chez ces trois contemporains du fauvisme de Matisse et Derain et de l’expressionnisme de Nolde et Kandinsky. Chez Monet, Munch et Hodler, les couleurs sont si puissantes qu’elles se suffisent à elles-mêmes: nul besoin de s'encombrer de trop de détails du réel pour susciter de l’émotion chez le spectateur. Dans cette dernière salle, celui-ci en prendra plein les yeux avec Deux êtres humains. Les solitaires et La pluie de Munch ou encore La Maison vue du jardin aux roses de Monet. Mais il est temps de partir. Encore tout ébloui, le visiteur se dirigera vers la sortie, regrettant que cette balade des sens ne dure pas plus longtemps, l’exposition n’ayant pu réunir qu’une vingtaine d’œuvres de chacun des maîtres. Déjà un bel exploit, il faut bien l’admettre.
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