"Dark Waters" : le scandale du Téflon (vidéo)

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France-Soir
Publié le 26 février 2020 - 12:37
Mis à jour le 20 février 2020 - 01:53
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Mark Ruffalo Film Dark Waters
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Interprète du rôle principal, Mark Ruffalo est également coproducteur du film.
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SORTIE CINÉ David contre Goliath, un simple avocat qui terrasse une multinationale: le cinéma américain est friand de films où le pouvoir de la justice vient à bout des forces de l'argent, comme dans Dark Waters (sortie ce mercredi 26 février), histoire vraie du scandale du Téflon qui a ébranlé le géant de l'industrie chimique DuPont au début du XXIe siècle.

Cette longue affaire portée devant les tribunaux américains débute en 1998 quand Robert Bilott (Mark Ruffalo), avocat du grand cabinet Taft Law de Cincinatti (Ohio), reçoit la visite d'un fermier, voisin de sa grand-mère à Parkersburg (Virginie occidentale) où il a grandi. Le fermier lui explique que dans son coin de campagne jadis idyllique, il a perdu 190 vaches devenues malades au fil des années: les bêtes, auparavant douces et dociles, deviennent extrêmement agressives; leur pelage est couvert de lésions, leurs yeux sont cerclés de rouge, leurs dents sont noircies et une bave blanche coule de leur mufle.

L'avocat passe dans l'autre camp

Dans son prestigieux cabinet d'avocats, Robert Bilott a l'habitude de conseiller et défendre les entreprises, aidant notamment les grandes compagnies de l’industrie chimique à se mettre en conformité avec les nouvelles législations environnementales entrées en vigueur dans les années 70. Mais, après avoir fait un tour à Parkersburg et avoir rendu visite à sa grand-mère, il décide de passer dans l'autre camp et de s'occuper du cas du fermier.

Rejets toxiques du Téflon

Il ne va pas tarder à découvrir que la cause du problème vient d'une grave pollution: des rejets toxiques, dans la rivière près de Parkersburg, de l'usine DuPont, principal employeur de la région, qui fabrique notamment le fameux Téflon, un anti-adhésif découvert en 1951 et utilisé notamment dans les poêles à frire. Soutenu par son patron (Tim Robbins) et par sa femme (Anne Hathaway), l'avocat va s'engager dans un combat de longue haleine, dans lequel il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa propre santé...

Téflon, Nylon, Kevlar, Lycra: tous ces produits chimiques inventés au XXe siècle par DuPont font partie de la vie quotidienne de milliards d'individus. Le problème dans le scandale du Téflon est qu'un des composants de ce produit, le PFOA (acide perfluorooctanoïque), était hautement toxique et susceptible de provoquer divers cancers, maladies graves ou malformations des nouveau-nés. Le film montre que DuPont était au courant de ces dangers et n'a attendu que 2013 pour renoncer à l'utiliser.

Action de groupe

L'affaire du Téflon a duré de 1998 à 2017, passant du niveau régional (la Virginie occidentale) au niveau national, avec diverses étapes juridiques dont une action de groupe ("class action") au nom des 70.000 riverains de Parkersburg qui a obligé DuPont à payer 70 millions de dollars en 2004 puis 671 millions de dollars en 2017 pour les 3.500 derniers dossiers.

Vieilli, grossi, c'est un Mark Ruffalo très convaincant qui incarne cet avocat Robert Bilott, pugnace et courageux, qui a consacré à cette affaire près de 20 ans de sa vie et de sa carrière. L'acteur est connu du grand public pour avoir interprété le Dr Bruce Banner, alias Hulk le géant vert, dans les différents Avengers ces dernières années. Il était aussi l'un des acteurs principaux de Spotlight, Oscar du meilleur film 2016, dont le scénario n'était pas loin de Dark Waters puisqu'il racontait l'histoire vraie de l'enquête du quotidien The Boston Globe qui révéla le scandale de cas de pédophilie couverts par l'Église catholique au début des années 2000.

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Mais Mark Ruffalo n'est pas qu'acteur dans ce film. Il en est le coproducteur, après avoir lu un article racontant toute cette affaire et paru en janvier 2016 dans le magazine hebdomadaire du New York Times: "The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare" ("L’avocat qui devint le pire cauchemar de DuPont"). "Le vrai sujet du film, c'est la capacité d'un seul à faire bouger les lignes –avec l'aide des autres", dit-il. "Ce que nous dit Dark Waters, c'est que nous avons besoin les uns des autres. Personne d'autre ne fera le boulot à notre place. Personne d'autre ne va chercher à rendre le monde meilleur. Nous devons le faire tous ensemble".

Le réalisateur Todd Haynes choisi par Mark Ruffalo

Et c'est lui qui est allé chercher Todd Haynes pour porter cette histoire vraie à l'écran. Pourtant ce n'était pas le genre du réalisateur, remarqué ces dernières années pour ses flamboyants films musicaux (The Velvet Goldmine sur le glam-rock, I’m Not There consacré à Bob Dylan) ou ses mélodrames rétro (Loin du Paradis sur une épouse modèle des années 50 qui tombe amoureuse de son jardinier noir, Carol racontant l'amour homosexuel de deux femmes dans les années 50).

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"Dès le départ, c’était pour moi le plus grand défi: être fidèle aux faits et faire preuve de respect envers chaque personnage en prenant en compte sa singularité, tout en rendant l’histoire accessible et captivante pour le spectateur", explique le réalisateur.

Son film est efficace, documenté, engagé dans une cause jugée juste, comme beaucoup d'autres avant lui racontant le combat d'un justicier solitaire (avocat, journaliste ou autre) contre un système puissant et corrompu: Le Verdict (1982), L'Idéaliste (The Rainmaker, 1997), Préjudice (A Civil Action, 1998), Révélations (The Insider, 1999), Erin Brockovich (2000), L'Affaire Josey Aimes (North Country, 2005), Michael Clayton (2007), Promised Land (2012) notamment.

Molécules de synthèse créées par l'industrie chimique

Au-delà de ce scandale Téflon, Dark Waters fait réfléchir –et frémir– sur les dizaines de milliers de molécules de synthèse créées par l'industrie chimique (pour l'agriculture, les médicaments, la pétrochimie notamment) depuis un siècle et demi, et dont beaucoup sont peu, voire pas dégradables.     

"Ce film est d'une brûlante actualité par rapport à ce qui se passe aujourd'hui dans la sphère politique, dans la sphère environnementale et dans la sphère juridique", conclut Todd Haynes. "Les engagements en matière d'amélioration de la qualité de l'eau et de l'air, ou en faveur des espèces en voie d'extinction ou du changement climatique n'ont jamais été respectés. Du coup, nous devons faire face à ces enjeux à l'heure actuelle".

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