"Love & Friendship" : marivaudage signé Jane Austen (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 22 juin 2016 - 00:00
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Chloe Sevigny Kate Beckinsale Film Love & Friendship
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©Sophie Dulac Distribution
Chloë Sevigny et Kate Beckinsale, un duo de redoutables manipulatrices.
©Sophie Dulac Distribution
Beaucoup adaptée au cinéma, Jane Austen avait écrit à ses débuts un petit roman riche d'ironie, de marivaudage et de quiproquos, "Lady Susan". Il est adapté au cinéma sous le titre "Love & Friendship", qui sort ce mercredi dans les salles.

Icône du romantisme, des grandes histoires d'amour et des sagas familiales, la romancière anglaise Jane Austen (1775-1817) maniait aussi l'humour et l'ironie mordante: le film Love & Friendship (ce mercredi 22 sur les écrans français), tiré d'un de ses premiers romans, est un marivaudage délicieusement agréable.

Dans l'Angleterre de la fin du XVIIIe siècle, Lady Susan Vernon (Kate Beckinsale) est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente.

Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia (Chloë Sevigny), une Américaine en exil, elle va déployer des trésors d'ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants: le charmant et très jeune Reginald, frère de sa belle-sœur, et le plus âgé Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide. Faisant fi de tout idéal romantique, elle va mener tout son monde par le bout du nez -et faire le bon choix…

Le film est l'adaptation de Lady Susan, un court roman que Jane Austen écrivit à 18 ans mais qui ne fut publié qu'un demi-siècle après sa mort. Les livres les plus célèbres de la romancière ont été adaptés de nombreuses fois au cinéma (Orgueil et préjugés, Raison et sentiments, Emma, Mansfield Park), mais aucun ne contient l'ironie et l'atmosphère de marivaudage de ce Lady Susan écrit avec toute l'insolence de la jeunesse.

Le réalisateur américain Whit Stillman, qui s'était fait (un peu) connaître en 1990 par son premier film Metropolitan et qui a déjà dirigé Kate Beckinsale et Chloë Sevigny dans Les derniers jours du disco en 1998, a ici gardé le ton léger et brillant du livre. Pourtant, au début, dès le générique, on craint le pire: film en costumes, réalisation classique, dialogues empesés, présentation des personnages un par un, musique d'époque. Les personnages sont si nombreux qu'on s'y perd, on se croirait tombé dans un Amour, gloire et beauté en costumes, et Chloë Sevigny en robe d'époque est aussi crédible que Jean-Claude Van Damme en Prix Nobel de chimie.

Mais l'inquiétude ne dure pas. Une fois les personnages et les situations installés, tout devient limpide et simple, tout s'enchaîne entre dialogues savoureux et rebondissements sentimentaux, tout coule avec grâce et humour. Kate Beckinsale irradie dans ce rôle de séductrice et manipulatrice redoutable (et elle n'est pas la seule). Le tout est enrobé dans un ton général finalement très moderne et très féministe, où les femmes tirent leur épingle du jeu à une époque où c'était l'exception.

"Héroïne à la grâce féline (parfaitement incarnée par Kate Beckinsale), passée maître dans l’art de la tromperie, Lady Susan a tout de la veuve noire et joyeuse qui a probablement précipité le décès de son premier époux… Dotée d’une énergie masculine et d’un désir d’appropriation, de possession, de maîtrise, elle se joue d’un monde où les hommes contrôlent l’accès à la propriété foncière, à l’argent et la transmission de l’héritage, tandis que les femmes s’en trouvent exclues (…)", résume  l'historienne et universitaire Marie-Laure Massei-Chamayou, maître de conférence d’anglais à Paris-I-Panthéon Sorbonne.

Pour elle, "Lady Susan incarne une féminité dangereuse et néanmoins fascinante, dans la mesure où elle subvertit non seulement les convenances et les normes qui régissaient alors le comportement féminin, mais elle représente aussi l’exact opposé, le double monstrueux, du modèle de l’ange du foyer ou de la +proper Lady+: duplicité, fourberie, ruse perfide, manipulation de ses proches, du langage et des apparences, absence de sentiment maternel, cupidité, vanité, conscience de sa beauté, de sa supériorité intellectuelle et de sa vivacité d’esprit (le wit) sont autant de vices qui s’opposent à l’idéal de soumission, docilité, douceur, abnégation, pudeur, respect des convenances et des bienséances, inhibition du désir et des passions que les femmes intériorisaient à l’époque".

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

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