Les rivières de Croatie face au péril hydro-électrique

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Par AFP
Publié le 09 avril 2017 - 14:27
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Des cygnes et des canards sur la rivière Korana, le 22 février 2017 à Karlovac, en Croatie
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© Damir SENCAR / AFP
Des cygnes et des canards sur la rivière Korana, le 22 février 2017 à Karlovac, en Croatie
© Damir SENCAR / AFP

Les cygnes flottent sur ses eaux vertes, les pêcheurs se pressent sur ses berges, les estivants s'y baignent l'été près d'une cascade... Pourtant, à Karlovac en Croatie, la rivière Korana est menacée par un projet hydro-électrique dénoncé par les écologistes.

Le pays est face à un dilemme. D'un côté, il ne produit que 60 à 75% de l'électricité dont il a besoin, alors qu'elle bénéficie d'un réseau de rivières parmi les plus denses d'Europe, et rêve d'accroître ses capacités. De l'autre, ses cours d'eau représentent un atout non négligeable pour le tourisme, un secteur qui pèse pour 18% du Produit intérieur brut. En 2016, presque 300.000 touristes ont visité la région de Karlovac.

Plusieurs dizaines de petites centrales hydro-électriques sont programmées, construites tantôt par le groupe public HEP, tantôt par des compagnies privées.

Mais les associations écologiques fustigent ces projets.

"Parler de petites centrales hydro-électriques, c'est tromper le public qui comprend que leur impact sera limité", dénonce Irma Popovic Dujmovic, de WWF Adria. Les dégâts "sur les petites rivières sont les mêmes que ceux que peuvent causer les grandes centrales sur les grandes rivières", "dévastant l'écosystème", affirme-t-elle.

Les pêcheurs déplorent aussi les conséquences des centrales.

"Nous qui sommes chaque jour sur les rivières, nous constatons qu'il reste des poissons, mais substantiellement moins", regrette Zeljko Capan, président de l'association de la pêche récréative sur la Korana.

"Nous devrions nous concentrer sur le tourisme. Qu'y a-t-il d'autre à faire à Karlovac et alentour?", dit-il.

- 'Ville aux quatre rivières' -

Les populations locales, elles, ne tirent a priori que peu de bénéfice économique direct du développement hydro-électrique: la ville d'Ozalj et ses 8.000 habitants reçoivent moins de 10.000 euros chaque année en rétribution du territoire utilisé par la centrale d'Ilovac sur la rivière Kupa.

Mais le ministère de l'Environnement et de l'Energie défend ces "petites centrales hydro-électriques, qui peuvent fournir de l'électricité à de plus petites communautés" et qui "ont leur rôle dans le développement du système énergétique en Croatie".

Denis Franciskovic, du groupe écologique Eko Pan, évoque le souhait des autorités de construire "plus de 2.000 centrales dans les prochaines années dans la péninsule des Balkans". En Croatie, c'est dans le secteur de Karlovac, la "ville aux quatre rivières" dans le centre du pays, que la situation est la plus critique, affirme-t-il: "La centrale de Lesce a massacré la Dobra. Et ce sont désormais la Korana, la Mreznica et la Kupa qui sont en jeu".

Lors de son inauguration en 2010, la centrale de Lesce, première du genre depuis l'indépendance du pays, avait été présentée comme une promesse de nouvelles routes et de système de distribution d'eau moderne.

Un an plus tard, en guise de bienfait, la population a vu arriver une commission chargée d'examiner les ravages de cette usine qui a noyé treize kilomètres des canyons parmi les plus beaux de Croatie. Quant aux promesses de développement et de touristes attirés par le lac artificiel, elles sont restées lettre morte.

- Etude d'impact de 1985 -

Les responsables reconnaissent que la construction de cette centrale, fondée sur une étude d'impact environnemental effectuée en 1985, est pour beaucoup dans la mauvaise image de l'hydro-électricité.

Mais ils assurent que les leçons ont été retenues. "Nous ne détruirons pas l'environnement, il sera préservé", promet Marinko Maradin, chef du service environnement dans le comté de Karlovac. "Chat échaudé craint l'eau froide".

Dans la région, "il n'y a quasiment pas de chute d'eau sans la main de l'homme, des vieux moulins (l'une des attractions touristiques de Karlovac) jusqu'aux centrales modernes", argumente le responsable.

Quelque 40% des territoires de cette région font partie du réseau Natura 2000, qui regroupe des sites naturels de l'Union européenne, une garantie de respect de l'environnement, et trois des huit centrales en projet se grefferont sur des barrages déjà existant, poursuit-il.

Ces arguments sont loin de convaincre toutes les municipalités et les riverains de la Korana.

"Slunj peut ne vivre que du tourisme, c'est son avenir", estime Nikola Zivcic, un homme de 57 ans qui vit au bord de cette rivière.

"Les bénéfices (des centrales) sont faibles ou négligeables, alors que les dangers et les dommages potentiels sont concrets", ajoute ce responsable de la bibliothèque municipale.

Deux centrales sont prévues près de chez lui, l'une en amont, l'autre en aval de Slunj, célèbre pour ses moulins à eau et ses petites chutes d'eau.

Les élus locaux ont d'ores et déjà informé les autorités de Karlovac qu'ils ne voulaient pas de centrales. Mais leur avis pourrait ne pas peser lourd.

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