Maison Fabre n'a pas perdu la main

Auteur(s)
AS
Publié le 26 février 2015 - 01:53
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Gants Belle Bête Maison Fabre
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©Maison Fabre
Maison Fabre a récréé les gants de "La Belle et la Bête".
©Maison Fabre
Chez Maison Fabre, le gant est depuis plus de 90 ans bien plus qu’un accessoire, c’est un art. Ses gants se retrouvent sur les écrans aussi bien que dans les musées. A Millau (Aveyron), quinze petites mains réalisent une centaine de modèles différents et même une ligne de gants parfumés.

Le film Grace de Monaco d'Olivier Dahan, sorti sur les écrans en mai 2014, est un exemple récent de la présence du gantier français Maison Fabre, vieux de 90 ans, jusque dans le monde du cinéma. Avant cela, la princesse de Monaco elle-même a porté de son vivant les modèles de cette ganterie d’exception située à Millau.

C’est dans cette ville de l’Aveyron qu’Etienne Fabre se lance dans le métier en 1924, en transformant sa maison en atelier. A chaque étage sa spécialité: au rez-de-chaussée les coupeurs, au premier étage les brodeuses, au dernier étage les piqueuses. 

Olivier Fabre et son frère Jean-Marc ont repris il y a une dizaine d’années le flambeau de l’entreprise familiale. Olivier Fabre, joint par FranceSoir, se rappelle que son arrière-grand-père avait 40 ans lors des balbutiements de la ganterie. Il a lui-même eu 40 ans il y a deux ans, lors de l’inauguration de la deuxième boutique au nom de la marque, à deux pas du Château de Versailles (Yvelines). Cette enseigne est venue s’ajouter à la boutique située au 128 galerie de Valois dans les jardins du Palais Royal à Paris (Ier arr.). Deux magnifiques enseignes qui sont le fruit de longues années de travail. 

Etienne Fabre fabriquait dans sa maison aveyronnaise uniquement des gants blancs. Soixante gantiers travaillent déjà à Millau et l’entreprise reçoit rapidement de nombreuses commandes. "A l’époque les gens portaient des gants blancs très facilement, pour les cérémonies et divers événements", explique Olivier Fabre. 

La production de l’entreprise est mise entre parenthèses pendant la Seconde guerre mondiale. A sa réouverture en 1946, le fils d’Etienne Fabre, Denis, reprend l’exploitation. Sa femme, Rose Fabre, marque très fortement l’entreprise. En 1949, elle décide d’installer l’atelier au cœur de Millau, alors capitale mondiale du cuir. L’usine historique se visite et reste le lieu de production des gants. 

Autour de 1955 l’entreprise tourne à plein régime. Quelque 350 personnes travaillent dans l’atelier et 300 à domicile. "Ma grand-mère était la seule femme, à l’époque, à être chef d’entreprise dans le milieu de la ganterie", raconte Olivier Fabre. 

Rose Fabre voit grand. Elle se rend à Londres, Bruxelles, Milan, New York pour commercialiser ses gants. "Elle a toujours su faire des affaires et trouver les bons clients", précise l’actuel dirigeant. Christian Dior, Yves Saint Laurent et de nombreuses personnalités collaborent avec la Maison et viennent y habiller leurs mains. 

Aujourd'hui l’entreprise étend ses ailes dans le monde. Environ 70% de l’activité de la Maison Fabre se fait à l’étranger hors Europe, principalement en Russie, aux Etats-Unis, au Japon et en Chine. 

Le retour du gant parfumé

La Maison Fabre a été contactée il y a quelques années par le comité Cocteau dirigé par Pierre Bergé. Il a proposé à l’enseigne de participer au cinquantenaire de la mort du cinéaste, décédé le 11 octobre 1963. La maison Fabre a alors l’idée de recréer le gant magique de la Bête, bijou du film sorti en 1946 qui permet à Belle de se déplacer d’un lieu à un autre. 

"Je rêvais de fabriquer ce gant", s’enthousiasme Olivier Fabre. L’idée plait et le projet est lancé. Deux paires sortiront de l’atelier de Millau. L’une a été exposée en 2013 au Musée des lettres et manuscrits 222 boulevard Saint-Germain (VIIe arr. de Paris) qui hébergeait jusqu'en février 2014 une exposition sur Jean Cocteau. 

L’autre paire a été séparée: un gant dans la boutique du Palais Royal et l’autre dans celle de la Cour des Senteurs à Versailles --ouverte depuis avril 2013. 

Maison Fabre commercialise des dizaines de modèles. Agneau, crocodile et autres peaux se déclinent dans toutes les couleurs, loin du blanc des premières années. L’entreprise commercialise aussi des gants parfumés. C'est Catherine de Médicis a initia la Cour aux gants parfumés. Mais ce n’est que sous Louis XV que la poudre et les huiles essentielles utilisées pour les gants parfumés et les vêtements deviennent un jus pour la peau. "Parfumer un gant peut sembler étrange, mais en réalité c’est sublimer l’odeur naturelle du gant"

Le concept marche très bien selon l’entreprise, le modèle Médicis notamment. Le talc introduit dans le gant dans de petites capsules diffuse le parfum avec la chaleur et le mouvement. 

Maison Fabre est aujourd'hui en pleine ascension. Pourtant dans les années 80, l’entreprise subit un violent revers. Le changement d’époque et de mode fait chuter l’industrie du gant et les 350 salariés représentent alors une masse salariale trop lourde pour l’entreprise. Louis Fabre se tourne vers les grands magasins pour tenir le coup. Il développe une activité parallèle de maroquinerie. Sa ligne de sacs aura beaucoup de succès et permettra de sauver Maison Fabre. Mais ce n’est pas l’ADN de l’entreprise et, cinq ans plus tard, elle se consacre à nouveau exclusivement à la ganterie. 

Vers une école des métiers de la main

L’entreprise perd à nouveau des marchés en 1994. "Ca a été compliqué, il a fallu que l’entreprise reparte de zéro", se rappelle Olivier Fabre. Il rejoint l’entreprise familiale en 1997, deux ans après son frère. Repartir de zéro devait passer par une réduction des effectifs: l’entreprise n’emploie aujourd’hui plus qu'une dizaine de salariés. Les deux nouveaux dirigeants vont rencontrer de nouveaux clients à Paris. Ils proposent à des créateurs de fabriquer les gants de leurs collections et décrochent des partenariats avec une dizaine de créateurs dont Karl Lagerfeld et plus récemment Chantal Thomass. En fonction des collections, le prix d’une paire oscille entre 110 et 400 euros. Le modèle le plus connu s’appelle "Auto".

Les commandes, ce n’est pas ce qui manque aujourd’hui dans l’atelier de Millau. Ce qui préoccupe Olivier et Jean-Marc Fabre, c’est de pérenniser le savoir-faire de leur entreprise. La Maison Fabre forme une à deux personnes par an. De jeunes diplômés qui peuvent rejoindre les salariés de la Maison Fabre, dans laquelle une Américaine et un Belge exercent déjà leur tour de main. 

 

 

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