Londres : il était une fois l'empereur néon

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Par AFP
Publié le 23 juillet 2017 - 14:00
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Marcus Bracey, directeur créatif de God's Own Junkyard à Londres, le 8 juillet 2017
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© NIKLAS HALLE'N / AFP/Archives
Marcus Bracey, directeur créatif de God's Own Junkyard à Londres, le 8 juillet 2017
© NIKLAS HALLE'N / AFP/Archives

Il y en a des rouges, des jaunes, des bleus, en forme de pin-up, de dragon ou de tête de mort. Bienvenue chez God’s Own Junkyard, à Londres, la caverne d'Ali Baba du néon.

C'est dans un vaste entrepôt de Walthamstow, un quartier résidentiel de l'est londonien, que la petite entreprise familiale spécialisée dans la fabrication de tubes luminescents a installé sa collection, la plus importante en Europe.

"Ici, on a environ 1.400 pièces", dit à l'AFP son directeur créatif, le volubile Marcus Bracey, 43 ans, en déambulant au milieu de ses trésors aux halos étincelants.

L'endroit est à mi-chemin entre galerie d'art et boîte disco. D'un bout à l'autre, ce sont des murs constellés de compositions tubulaires de toutes les formes imaginables dont les lumières s'entrecroisent et se mélangent.

On y trouve une énorme bouche en néon rouge sang, dont la langue glisse goulûment sur la pointe d'un cône glacé. Un gros coeur aux couleurs de l'Union Jack, le drapeau britannique, enserrant la devise "God save the Queen" écrite en lettres dorées.

Il y a encore cette surprenante statue de Jésus Christ, dégainant, comme un cow-boy, deux revolvers de néons bleus. Une oeuvre de plusieurs milliers de livres, que son acheteur n'est jamais venu rechercher.

"On ne sait pas où il est. Peut-être qu'il a cassé sa pipe ou qu'il a été tué", glisse Marcus, amateur d'humour noir.

- De Soho à Hollywood -

C'est son grand-père qui a lancé l'affaire, dans les années 1950.

"Il était mineur de charbon quand il s'est mis à bosser pour une compagnie qui faisait du luminaire", raconte Marcus, en ajoutant, avec malice: "c'est comme ça qu'il est passé de l'ombre à la lumière !".

Chris Bracey, le père de Marcus, développe ensuite l'entreprise et devient le fournisseur quasi exclusif des sexshops de Soho, le quartier coquin du centre de Londres.

Signe des temps, et d'un Soho qui s'embourgeoise, certains néons ont fini par revenir au God’s Own Junkyard, comme ce tube incandescent dessinant la silhouette d'une femme aux courbes aguichantes qui trônait dans un établissement aujourd'hui fermé.

Les Bracey produisent aussi pour le cinéma. On leur doit le dragon à langue clignotante de "Blade Runner" (1982, Ridley Scott), que Marcus promet de ne "jamais vendre".

Autre oeuvre de choix: une enseigne arc-en-ciel utilisée dans "Eyes Wide Shut" (1999, Stanley Kubrick), qui a valu à Marcus une courte apparition dans le film: "Je trimballe Tom Cruise dans un taxi", glisse-t-il fièrement.

- "L'être et le néon" -

Si les thèmes varient, la technologie n'a guère évolué.

"On fait le vide dans un tube, puis on le remplit d'un gaz rare qu'on abreuve d'électrons", explique Luis de Miranda dans un essai intitulé "L'être et le néon".

Le procédé fut découvert en 1910 par Georges Claude, chimiste français qui cherchait "une manière peu onéreuse de produire de l'oxygène pour les hôpitaux". Ses expériences "laissaient en rebut d'importantes quantités de gaz rares, notamment du néon et de l'argon".

"S'ensuit un exemple de ce que l'on nomme la sérendipité, lorsqu'un découvreur trouve ce qu'il ne cherchait pas premièrement: Claude s'aperçut presque en s'amusant, que le néon pouvait produire un rouge intense, et l'argon un bleu profond".

Paris, New York, Londres: au cours des décennies qui suivent, le néon conquiert le monde et restera "comme l'un des grands symboles du XXe siècle, signifiant tour à tour la conquête utilitariste de la nuit" et la "mondialisation électrique", souligne l'auteur.

Mais le boom des écrans bouscule le secteur et menace le roi néon. "Dans les années 1980, la demande a énormément baissé. On pensait presque que c'était la fin", se souvient Marcus.

"Mais il a fait son come-back", ajoute-t-il, dopé entre autres par une forte demande de particuliers en quête d'objets rétro ou design, qui constituent aujourd'hui 50% de la clientèle.

L'avenir s'annonce donc lumineux pour les Bracey, d'autant que la relève est déjà là, les deux filles de Marcus ayant elles aussi attrapé le "virus". "Le néon, c'est dans notre ADN!".

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