Aung San Suu Kyi, la chute d’une icône

Auteur(s)
Frantz Pessoa
Publié le 24 mars 2021 - 13:34
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Aung San Suu Kyi devant la Cour internationale de justice, le 11 décembre 2019 à La Haye
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AFP
Aung San Suu Kyi devant la Cour internationale de justice, le 11 décembre 2019 à La Haye
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Aung San Suu Kyi devait comparaître ce mercredi devant les juges, mais son audience a été reportée au 1er avril faute de connexion Internet. Sur fond de coup d’Etat militaire, celle qui fut longtemps une égérie en vogue en Occident vit depuis quelques années une disgrâce à l’international. 

Les craintes sur le sort réservé à Aung San Suu Kyi, de nouveau assignée à résidence, 11 ans après son premier emprisonnement, se font aujourd’hui entendre ici et là. Celle qui devait comparaître ce mercredi en visioconférence est accusée de d' « importation illégale de talkies-walkies », d'incitation aux troubles publics mais aussi de corruption : la femme politique risque plusieurs années de prison.

Dans les faits, le chef des forces armées refuse de reconnaitre les résultats des élections législatives de 2020, remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi : la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Depuis, l'état d’urgence a été décrété et des opposants emprisonnés.

L’armée qui menait également le jeu politique a visiblement décidé de siffler la fin de la récréation et de la période de normalisation et d’apaisement. Le coup d’état du 1er février est le quatrième coup d’Etat de l’histoire du pays depuis son indépendance en 1948… Depuis l’arrestation et la mise sur la touche de la chef de l’opposition, la mobilisation internationale se fait entendre pour faire plier la junte militaire au pouvoir, en vain….

Les sanctions de l’Union Européenne et des Américains n’ont en effet aucun effet sur les généraux birmans, bien au contraire. Ces dernières semaines, depuis le soulèvement populaire pour soutenir celle que le peuple surnomme « Mother Suu », au moins 260 Birmans ont déjà été tués par la répression militaire et plusieurs centaines d'autres sont aujourd'hui portés disparus.

Les putschistes qui ont repris les pleins pouvoirs le savent et jouent peut-être la montre. Le symbole Aung San Suu Kyi n’est plus ce qu’il était. A l’intérieur du pays, par exemple, les bonzes sont beaucoup moins impliqués dans la fronde anti-junte qu’en 2007. Les membres du « sangha », le clergé bouddhiste, sont aujourd’hui nombreux à soutenir ouvertement les militaires déçus par l’action d’Aung San Suu Kyi au gouvernement, considérée comme rigide et autocrate. Elle était arrivée à la tête du pays en 2016.

La Prix Nobel de la paix pâtit surtout à l’international par ses positions ces dernières années concernant minorité musulmane rohingya. Peuple persécuté et tué en masse par le pouvoir birman. Issue de l'ethnie majoritaire : les Bamar, elle considérerait ses racines comme supérieures et comme la véritable extraction birmane, supérieures aux autres.

Longtemps comparée à Ghandi ou Mandela, la « dame de Rangoon » est donc brusquement tombée de son piédestal suite à son comportement ambigu sur la question. D’abord inactive et silencieuse devant l’indicible, elle a ensuite pris la défense des généraux birmans, notamment devant le tribunal de la Haye en 2019. Même si le soutien populaire dans son pays est toujours aussi puissant, à l’international, nombreux sont ceux qui lui tournent désormais le dos.

Persona non grata, le soutien du monde occidental est donc désormais beaucoup moins prégnant. Et à 75 ans, Aung San Suu Kyi redevient une prisonnière politique, bien moins médiatisée et presque comme les autres...

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