Zimbabwe : Robert et Grace Mugabe, coup(le) d'Etat
L'armée zimbabwéenne a beau nié avoir perpétré un coup d'Etat dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 en prenant le contrepôle de la capitale du pays, Harare, la situation en a tout l'air. L'entrée en scène des militaires intervient en pleine crise ouverte entre Robert Mugabe et le chef de l'armée après le limogeage la semaine dernière du vice-président du pays Emmerson Mnangagwa, longtemps présenté comme son dauphin.
Car c'est bien la succession du plus vieux dirigeant africain (93 ans), au pouvoir depuis près de 30 ans, qui semble être le déclencheur du coup de force présidentielle avec comme principale cible l'actuelle épouse de celui que certains médias désignent par le surnom de "saigneur du Zimbabwe" et dont le pouvoir autoritaire ne souffre d'aucune contestation depuis son élection en 1987. Chacune de ses réélections ont été contestées par l'opposition et par la communauté internationale.
En effet, Grace Mugabe, de 41 ans la cadette de son mari, est régulièrement désignée comme un successeur potentiel de Robert, dont la santé vacille. Le limogeage d'Emmerson Mnangagwa, vieux compagnon de route de Mugabe surnommé "le Crocodile", a d'ailleurs provoqué la colère des vieux caciques du régime qui ont vu d'un très mauvais œil l'annonce samedi 11 de la volonté du président du Zimbabwe de nommer sa femme au poste de vice-président en lieu et place du "Crocodile".
Dimanche, c’est elle qui tenait le micro lors d’un rassemblement dans un stade de Harare: "Je dis à M. Mugabe: +Vous devriez me laisser prendre votre place. (…) N’ayez pas peur. Si vous voulez me donner votre poste, donnez-le moi librement+". D'autant qu'elle a une très forte influence auprès des étoile montante du parti présidentiel, le Zanu, au point de s'être constituée une garde rapprochée autour de la "Génération 40" (G40), composé des plus jeunes dirigeants du mouvement. Plusieurs arrestations de cadres du G40 ont d'ailleurs eu lieu mardi soir et ce mercredi, à commencer par le ministre des Finances du pays, proche de la première dame.
Pour autant Grace Mugabe n'est clairement pas populaire auprès de la population zimbabwéenne qui lui reproche ses accès d'autoritarisme et son goût immodéré pour le shopping de luxe dans un pays à l'économie exsangue, au point de la surnommée "Gucci Grace" ou encore "Disgrace".
Reste que les alliées d'Emmerson Mnangagwa restaient nombreux dans les rangs de l'armée où les postes-clés sont tous détenus par des anciens combattants de la guerre d'indépendance, très attachés au fait que ce soit l'un des leurs qui soit au pouvoir. Le limogeage du "Crocodile" la semaine dernière les auraient donc poussés à agir. Les Forces de Défense du Zimbabwe avaient d'ailleurs prévenu, par la voix de Constantino Chiwenga lundi, qu'elles "interviendraient" si la "purge" ne cessait pas au sein du parti présidentiel.
D'autaut que, introuvable depuis plusieurs jours, ce dernier a indiqué ce Twitter ce mercredi être de retour au Zimbabwe. "Zimbabwéens, restez calmes et branchés sur les actualités. Je suis de retour dans le pays et serai assez occupé ces prochains jours. Ma communication avec vous maintenant passera par les ondes de la radio et télévision, il est donc improbable que j’utilise Twitter. Merci pour votre soutien et votre solidarité", a-t-il écrit.
De leur côté, les militaires qui ont pris le pouvoir ont expliqué à la télévision ce mercredi matin que "Nous voulons assurer la nation que son excellence, le président de la République du Zimbabwe, chef de l’Etat, du gouvernement et des forces défense du Zimbabwe, le camarade Robert Gabriel Mugabe et sa famille, sont sains et saufs, et leur sécurité garantie". Et d'ajouter: "Nous ne visons que des criminels qui ont été à l’origine de nombreux crimes ayant entraîné des souffrances sociales et économiques dans le pays dans le but de les amener devant la justice".
De Grace Mugabe, aucune nouvelle n'a été donnée.
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