Au procès du 13-Novembre, plongée aux "Béguines", le café des frères Abdeslam

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Par Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 16 décembre 2021 - 21:23
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Le café "Les Béguines" tenu par Brahim Abdeslan, le frère de Salah Abdeslam, dans le quartier de Molenbeek, le 17 novembre 2015 à Bruxelles
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© EMMANUEL DUNAND / AFP/Archives
Le café "Les Béguines" tenu par Brahim Abdeslan, le frère de Salah Abdeslam, dans le quartier de Molenbeek, le 17 novembre 2015 à Bruxelles
© EMMANUEL DUNAND / AFP/Archives

L'un n'a pas prononcé plus de trois mots à la suite, le second a eu du mal à s'arrêter. Au procès du 13-Novembre, deux habitués du café des frères Abdeslam ont donné à voir l'ambiance aux "Béguines" dans les mois précédant les attentats.

Il apparaît très vite que Rafik H., qui témoigne en visioconférence depuis les locaux du parquet fédéral belge, préférerait être ailleurs. Ses réponses sont brèves, son audition laborieuse.

Crâne rasé, gros pull, il a 36 ans, est originaire de Molenbeek où il a grandi avec Brahim Abdeslam, le gérant du bistrot et futur tueur des terrasses parisiennes. Il est visé par une procédure miroir en Belgique pour l'avoir conduit à l'aéroport dans un périple vers la Syrie, début 2015.

Un an plus tôt, Rafik H. s'était associé avec celui qui était comme "comme un frère", au café des Béguines. C'est de là qu'il connaît une partie des accusés au procès. "C'était +bonjour, au revoir+", nuance-t-il.

Le président lui demande de raconter le lieu - selon le dossier on y vendait de la drogue, note-t-il. "C'était surtout Brahim", balaie Rafik H d'un ton plat.

Il s'y passait d'autres choses ?, s'enquiert Jean-Louis Périès. "Brahim qui regardait de temps en temps des vidéos sur Youtube". Quel genre de vidéos ? "Des trucs terroristes". Ca se passait en Syrie ? "Voilà".

Lui, "au comptoir", s'occupait des clients. "Je faisais pas trop attention".

Poussé par la cour, il confirme que Brahim Abdeslam descendait souvent à la cave où il avait aménagé une pièce "spécialement" pour discuter sur Skype avec Abdelhamid Abaaoud, futur coordinateur des attentats - à ce moment-là en Syrie. "Je suis descendu une fois, j'ai vu qu'il parlait avec Abaaoud. Il m'a crié de remonter, je suis remonté".

-"Chien qui aboie..."-

Sur les écrans de la salle d'audience, c'est Bilal S. qui apparaît ensuite au bout de la même longue table des locaux belges.

"Je suis sociable, je parle à tout le monde", prévient très vite ce brun de 35 ans au débit ultra-rapide. Également très proche de Brahim Abdeslam, il passait "tous les soirs" après le travail pour "jouer au cartes, boire un café". "Une bonne ambiance", à part "les gens qui regardaient les vidéos".

Il mime de ses bras, "moi j'étais assis là", "le comptoir", et "l'ordinateur à côté des toilettes". Comme les autres, il a vu les vidéos "en passant" devant. Brahim Abdeslam les regardait avec son petit frère Salah, et son ami Ahmed Dahhmani, autre accusé jugé en son absence, certifie-t-il.

"Brahim, il disait: +regardez ce qu'ils font, c'est injuste, ils tuent des enfants+. Dès qu'il commençait à boire ou à fumer, il s'excitait. Mais pour moi, un chien qui aboie il ne fait rien".

En septembre 2015, raconte-t-il, Salah Abdeslam lui demande de louer une voiture pour lui. "Je lui dis +non je sais pas ce que tu vas faire+".

Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos parisiens, est aussi jugé pour ses allers-retours en voiture - louées - pour ramener les autres assaillants en Belgique.

"Je pensais plus à des amendes, ou qu'il rende pas la voiture à temps", dit Bilal S., qui a l'impression de l'avoir échappé belle, contrairement à certains des accusés "qui ont pas eu de chance" et ont fait des choses pour "rendre service".

Comme Hamza Attou, l'un de ceux jugés pour être allés chercher Salah Abdeslam à Paris le soir des attentats.

Bilal S. s'emballe. "Ils étaient pas au courant, Salah leur a dit dans la voiture. Moi je lui ai dit à Hamza, +tu aurais dû quitter la voiture, tu appelles la police tu expliques+". Il rappelle que le véhicule a été contrôlé sur la route du retour. "Au moins, tu fais un petit clin d'oeil au policier".

Le président Jean-Louis Périès contient un rire sous son masque.

"Salah est un sale type", conclut Bilal S. "J'aurais pu être à leur place. D'un autre côté, ils ont vraiment été cons".

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