Il y a 60 ans, l'acquittement de Marie Besnard accusée d'empoisonnements

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Par Pascale JUILLIARD - Paris (AFP)
Publié le 09 décembre 2021 - 16:10
Mis à jour le 10 décembre 2021 - 11:14
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Marie Besnard dans le box des accusés lors de son procès pour empoisonnements, le 21 février 1952 à Bordeaux
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© - / AFP/Archives
Marie Besnard dans le box des accusés lors de son procès pour empoisonnements, le 21 février 1952 à Bordeaux
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"Empoisonneuse du siècle" ou "bonne dame" de Loudun? Il y a soixante ans, Marie Besnard, accusée d'avoir assassiné à l'arsenic une bonne partie de sa famille, dont son mari et sa propre mère, était acquittée à Bordeaux.

Cette affaire, largement nourrie par la rumeur dans la petite ville de la Vienne qu'était Loudun (8.000 habitants à l'époque), donna lieu à douze années de procédure, à une bataille d'experts et passionna la France d'après-guerre.

L'acquittement est prononcé au terme du troisième procès, le 12 décembre 1961 aux assises de la Gironde. Au final, celle qui avait été accusée initialement d'une douzaine d'empoisonnements (son premier et son deuxième mari, ses parents, beaux-parents, belle-soeur, vieilles cousines, voisins ...) n'en avait plus que six retenus à sa charge. Ils seront tous écartés, après que l'accusation a reconnu "un doute" à l'issue du débat scientifique.

- "Un liquide" dans la soupe -

L'enquête démarre en 1949 après un mystérieux cambriolage dans la maison où vit la postière, Mme Pintou. Rien n'a été dérobé, et Mme Pintou déclare aux enquêteurs qu'elle soupçonne Marie Besnard, sa propriétaire et ancienne amie, d'avoir organisé l'intrusion pour la pousser à quitter Loudun. Elle répète ensuite des accusations déjà formulées deux ans plus tôt, après le décès du second mari de Marie, Léon Besnard, mort à 55 ans d'une crise d'urémie selon son médecin.

Le mourant lui aurait confié qu'il pensait avoir été empoisonné par sa femme: il y avait "un liquide" dans l'assiette où Marie a versé la soupe, aurait-il dit. Des propos que Mme Pintou avait rapportés à l'époque à un autre habitant de la ville, Auguste Massip, qui n'avait pas manqué de les relayer.

Le corps de Léon est exhumé, des traces d'arsenic sont décelées dans des prélèvements analysés à Marseille. Marie est inculpée et arrêtée, et à Loudun les langues se délient. On parle de sa proximité avec un ancien prisonnier de guerre allemand resté au service des Besnard, des héritages faits par le couple après plusieurs décès dans la famille.

De nouvelles exhumations ont lieu, des traces d'arsenic sont découvertes dans onze autres cadavres.

Le premier procès s'ouvre en 1952 à Poitiers, mais il est renvoyé au bout de quelques jours. La défense de Marie Besnard s'est attachée à démontrer la faiblesse des analyses faites à Marseille, et une contre-expertise a été ordonnée.

Le deuxième procès, en 1954 à Bordeaux, s'achève sur la nomination de nouveaux experts et sur un renvoi. Mais cette fois, la cour d'assises prononce la mise en liberté provisoire de l'accusée, en détention depuis près de cinq ans.

- "Anormalement normale" -

Sept ans plus tard, retour aux assises à Bordeaux et poursuite du débat scientifique: y a-t-il eu empoisonnement, ou les corps ont-ils pu être imprégnés post-mortem par de l'arsenic porté dans le cimetière par les eaux de ruissellement? Le procureur général Paul de Robert reconnaît que le "doute" subsiste à cet égard.

Il maintient cependant que sur les éléments "psychologiques" du dossier, il existe des "charges accablantes" contre Marie Besnard. Une femme qualifiée d'"anormalement normale" par les psychiatres.

Dans ses réquisitions, le magistrat décrit cette dame à la voix fluette, vêtue de noir et coiffée d'une mantille, comme dotée d'"une extraordinaire puissance de dissimulation".

Il retient contre elle six décès, dont ceux de son deuxième mari, de la soeur de ce dernier, et de la mère de l'accusée. Il exprime "la conviction que Marie Besnard est coupable", mais laisse sa sanction à la "sagesse" des jurés.

La défense de son côté souligne qu'il n'y a "aucune certitude", "aucune preuve", et assure que cette "brave paysanne poitevine" a été "victime d'une cabale", de la "méchanceté" et des "ragots" de ses accusateurs de Loudun.

"Je suis innocente, autrement le remords m'aurait tuée", déclare Marie Besnard. "Notre Seigneur sait que je n'ai rien fait de mal".

Après trois heures et 25 minutes de délibérations, la cour prononce l'acquittement.

Elle mourra à Loudun le 14 février 1980, à 83 ans, après avoir fait don de son corps à la science.

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